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Cahiers de nutrition et de dietetique - part 2

Chia sẻ: Meongoan Meongoan | Ngày: | Loại File: PDF | Số trang:16

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Việc thu hồi 24-giờ trong việc thu hồi 24 giờ, chủ đề là yêu cầu ghi nhớ và báo cáo tất cả các loại thực phẩm và đồ uống được tiêu thụ trong 24 giờ trước cuộc phỏng vấn. Phương pháp này là nhanh chóng và không đòi hỏi sự tham gia của bị đơn, nhưng do sự biến đổi trong nội bộ cá nhân trong lượng thức ăn

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Nội dung Text: Cahiers de nutrition et de dietetique - part 2

  1. Besoins nutritionnels ➤ Les enregistrements alimentaires méthodes peuvent être des questionnaires de fréquence simplifiés ou peuvent s’intéresser davantage aux atti- On demande au sujet de noter les aliments et boissons tudes par rapport à l’alimentation. consommés sur une période donnée, en précisant les quantités. L’enregistrement alimentaire apporte poten- L’évaluation des apports dans le cadre tiellement des informations précises sur les aliments consommés pendant la période d’enregistrement, d’un suivi nutritionnel thérapeutique mais le fait de noter les aliments peut modifier à la L’évaluation des apports doit s’intégrer dans la démarche fois le type d’aliments, leur nombre et les quantités éducative du patient, il faut distinguer la première consommées. consultation des consultations de suivi qui ont des objec- ➤ Le rappel de 24 heures tifs spécifiques différents. Dans le rappel de 24 heures, on demande au sujet de se rappeler et de rapporter tous les aliments et bois- La première consultation sons consommés pendant les 24 heures qui ont pré- cédé l’entretien. Cette méthode est rapide et ne Lors du premier entretien, l’objectif de l’évaluation des demande pas d’implication du répondant, mais du fait apports est : de la variabilité intra-individuelle de l’apport alimen- - d’évaluer les pratiques alimentaires habituelles du sujet : taire, elle ne permet pas de caractériser l’alimentation type d’aliments, répartition des prises alimentaires, ce qui d’un individu ; de plus, les sujets peuvent ne pas rap- permettra d’adapter le conseil nutritionnel ; porter la réalité de leur prise alimentaire, soit par - de sensibiliser le patient à son alimentation. Changer un défaut de mémorisation, soit en raison de l’interven- comportement est un phénomène complexe qui com- tion de facteurs cognitifs tels que le désir d’approbation prend plusieurs étapes et le premier entretien peut per- sociale. mettre une prise de conscience de la nécessité de cer- ➤ Les questionnaires de fréquence de consommation tains changements ; Contrairement aux deux méthodes précédentes, la - de dépister d’éventuels troubles du comportement ali- méthode des questionnaires de fréquence s’intéresse mentaires, notamment dans le cadre d’une prise en char- non pas à la consommation réelle, mais à la consomma- ge pour obésité. tion habituelle. Elle consiste à demander au sujet de Deux méthodes peuvent être utilisées : l’histoire alimen- reporter la fréquence habituelle de consommation de taire et le carnet alimentaire. Le choix de la méthode chaque aliment d’une liste pré-établie De nombreux dépend des préférences du médecin et de la manière questionnaires de fréquence ont été mis au point. dont est organisée la consultation, mais aussi du patient. L’utilisation d’un questionnaire répond à une population et à un but donnés. Ils peuvent être utilisés pour dépister Dans ce contexte, il peut être utile, notamment chez l’en- d’éventuelles carences d’apports comme le fer ou le cal- fant, de s’intéresser aux habitudes familiales et au com- cium chez la femme enceinte. portement de la famille par rapport à l’alimentation et à ➤L l’activité. ’histoire alimentaire L’histoire alimentaire consiste à estimer l’apport habituel Les consultations de suivi sur une période donnée. Elle est basée sur un interroga- toire détaillé de l’alimentation habituelle du sujet, auquel Lors du suivi, l’examen de la prise alimentaire a pour but : s’ajoute parfois un rappel de 24 heures et un question- - d’encourager le patient en soulignant les points positifs, naire de fréquence. - de préciser les éléments éventuellement mal compris, Le principal avantage de la méthode de l’histoire alimen- - de l’aider à adapter des stratégies de contrôle des taire réside dans le fait qu’elle permet d’étudier la répar- prises alimentaires. tition habituelle de la prise alimentaire et les détails de l’alimentation sur une période prolongée. Deux méthodes peuvent répondre à ces objectifs : Cependant, l’approche basée sur les repas qui est prati- • Le rappel des dernières 24 heures quée dans l’histoire alimentaire est difficilement appli- Cette méthode n’est pas un reflet exact de l’alimentation cable chez les sujets, de plus en plus nombreux, dont la habituelle, mais elle permet de faire dire au patient ce répartition de l’alimentation ne suit pas la répartition clas- qu’il mange, de parler de l’alimentation réelle et ainsi de sique par repas. Elle peut amener les sujets à omettre permettre au soignant de percevoir la manière dont les volontairement ou non les prises alimentaires inter-pran- conseils donnés ont été entendus. diales et donc à accentuer la sous-estimation de l’apport • Le carnet alimentaire peut également être utile alimentaire. Tenu par le patient, il permet de noter les différentes ➤ Les méthodes simplifiées prises alimentaires de la journée et les circonstances des Un questionnaire de fréquence complet contient plus de prises alimentaires, notamment celles qu’il n’a pas pu 100 questions. Lorsque l’on s’intéresse à un seul nutri- contrôler. La tenue quotidienne de ce carnet demande ment ou à une seule catégorie d’aliments, 15 à 30 ques- au patient un effort considérable, il n’a de sens que si le tions peuvent suffire. Plusieurs méthodes simplifiées ont soignant accorde une attention et un temps suffisants à été développées. Ces instruments sont utiles dans les l’analyser, de concert avec le patient. situations qui ne nécessitent pas la mesure de l’ensemble de l’alimentation, ou lorsqu’il n’est pas utile d’avoir une Dans le contexte clinique qui privilégie le dialogue, l’in- approche relativement précise. Par exemple, ces formatique a rarement sa place en dehors des services méthodes peuvent être utiles pour sélectionner des spécialisés ; mais elle peut être utilisée, notamment chez groupes à risque, pour sensibiliser les sujets à l’intérêt les sujets jeunes, pour les aider à se familiariser avec les d’une information nutritionnelle, ou évaluer l’impact de aliments et leur composition. Le logiciel utilisé doit donc campagne d’information. De tels instruments peuvent être davantage conçu pour l’éducation que pour le calcul être utiles en clinique ou à des fins éducatives. Ces des apports. Cah. Nutr. Diét., 36, hors série 1, 2001 2S17
  2. Besoins nutritionnels Quels conseils nutritionnels ? tières grasses, sucres et produits sucrés. La variété cor- respond à la possibilité de choisir des aliments différents Même s’il va s’adapter à une pathologie, le conseil nutri- au sein d’une même catégorie. tionnel doit répondre à des principes généraux, regrou- Pourquoi diversifier et varier l’alimentation ? Aucun ali- pés sous le terme usuel d’équilibre alimentaire. Ces ment, à l’exception du lait maternel, n’apporte l’en- conseils s’adressent à tous, et peuvent dans la généralité semble des nutriments. Une alimentation monotone, être regroupés dans les objectifs du PNNS (tableau II), limitée à quelques aliments, est donc source de carences dans certains cas, il va être nécessaire de les adapter nutritionnelles. De plus, elle est susceptible d’augmenter dans le cadre d’une pathologie. les risques toxicologiques si, le cas échéant, un des ali- ments contient des contaminants ou des substances anti- L’équilibre alimentaire nutritionnelles. Apprendre au jeune enfant à manger de tout et lui donner la possibilité de choisir est donc impor- Définition tant en matière d’éducation nutritionnelle. Les goûts et les préférences alimentaires sont en grande partie acquis Le concept d’équilibre alimentaire est souvent utilisé au cours de la période d’apprentissage. dans la pratique clinique, car c’est un bon outil pédago- gique pour faire passer des idées simples. Mais le définir • Ajuster les fréquences de consommation de certains n’est pas facile. Une alimentation équilibrée doit per- aliments mettre d’assurer la couverture des besoins en macro et Aucun aliment, présumé consommable, n’est mauvais en micro-nutriments, qui varient en fonction des situations lui-même pour l’équilibre alimentaire ou la santé ! Le plai- physiologiques, la croissance harmonieuse chez l’enfant sir alimentaire et la convivialité des repas autorisent ainsi qu’un vieillissement physiologique dans la deuxiè- quelques excès… L’important est d’évaluer les habitudes me partie de la vie. Le but d’une alimentation saine est alimentaires. Le paramètre essentiel est la fréquence de aussi de retarder l’apparition des maladies dégénératives consommation. Pris quotidiennement en dehors des à déterminisme nutritionnel. repas, les aliments de type snacks, souvent riches en Spontanément, aucune population n’a une alimentation graisses et/ou en sucres simples, peuvent avoir un effet équilibrée. Dans les pays industrialisés, l’abondance ali- défavorable sur la corpulence, s’ils contribuent à désé- mentaire conduit souvent à favoriser les excès tout en ne quilibrer le bilan énergétique… supprimant pas le problème des carences. Un des seuls A l’opposé, la consommation d’“aliment de recharge” exemples que l’on puisse citer est le régime méditerra- peut être favorisée en situation de carence ou de besoins néen des années 60. accrus. Ce sont les produits carnés pour le fer, le zinc et Sur quelle période de temps faut-il équilibrer les prises les protéines, le foie riche en vitamine A, les produits lai- alimentaires ? La période d’une semaine est probable- tiers pour le calcium et les protéines, les fruits de mer ment l’unité de temps à retenir, plus par commodité que pour l’iode, le zinc et le sélénium… pour des raisons scientifiques. “Equilibrer” chaque repas est néanmoins recommandé pour la restauration • Savoir lire l’étiquetage nutritionnel collective, que ce soit à l’école ou dans l’entreprise. Le La notion d’apports journaliers recommandés (AJR) est jeune enfant est capable de réguler ses apports énergé- utilisée pour l’étiquetage. Les AJR, qui sont moins élevés tiques sur une durée de quelques jours, alors que ses que les ANC, correspondent approximativement aux choix alimentaires sont très variables d’un repas à l’autre. besoins moyens de la population. Ils répondent à des Mais il semble que cette faculté d’adaptation soit moins règles fixées au niveau européen. L’étiquetage nutrition- efficace à l’âge adulte pour de multiples raisons. En effet, nel est obligatoire lorsqu’une allégation nutritionnelle est le comportement alimentaire a aussi des fonctions socio- faite par le fabricant, qui est alors tenu d’informer le culturelles et un déterminisme psychologique. consommateur sur la teneur en énergie, en macro et en Le choix des aliments micro-nutriments de son produit. • Diversifier l’alimentation Rythme des prises alimentaires La variété et la diversité alimentaires ont des définitions La répartition des apports alimentaires au cours de la précises. La diversité est assurée par la consommation journée se fait habituellement en 3 repas principaux : le quotidienne d’aliments de chacune des grandes catégo- petit déjeuner couvrant environ 20-30 % des AET, le ries d’aliments : produits céréaliers-légumineuses, fruits- déjeuner 30-40 % et le repas du soir ou dîner (30 %). Le légumes, produits laitiers, viandes-poissons-œufs, ma- Tableau II Les neuf objectifs nutritionnels spécifiques visant des populations particulières dans le Programme National Nutrition Santé (PNNS). 1) réduire la carence en fer pendant la grossesse, 2) améliorer le statut en folates des femmes en âge de procréer, notamment en cas de désir de grossesse, 3) promouvoir l’allaitement maternel, 4) améliorer le statut en fer, calcium et vitamine D des enfants et adolescents, 5) améliorer le statut en calcium et vitamine D des personnes âgées, 6) prévenir la dénutrition des personnes âgées, 7) lutter contre les déficiences vitaminiques et minérales et les dénutritions chez les personnes en situation de précarité, 8) lutter contre les déficiences vitaminiques et minérales et les dénutritions chez les personnes suivant des régimes restrictifs et les problèmes nutritionnels des sujets présentant des troubles du comportement alimentaire, 9) prendre en compte les problèmes d’allergies alimentaires. Cah. Nutr. Diét., 36, hors série 1, 2001 2S18
  3. Besoins nutritionnels goûter constitue un 4e repas chez l’enfant, l’adolescent • Pour l’obésité et parfois chez l’adulte. Il n’existe pas d’arguments scien- - Equilibrer le bilan énergétique en limitant la consom- tifiques pour proposer un nombre idéal de repas. Leur mation d’aliments à densité énergétique élevée. fréquence comme leurs modalités (composition et - Promouvoir l’activité physique horaires) sont essentiellement influencées par des fac- • Pour le diabète de type 2 teurs socio-culturels et varient beaucoup d’un pays à Les mesures sont les mêmes que pour l’obésité. l’autre. Le petit déjeuner ne doit pas être considéré - Afin d’éviter les pics hyperglycémiques post-prandiaux, comme obligatoire ! La prise d’une collation dans la mati- on vise à répartir les apports glucidiques en tenant comp- née pourra éviter un jeûne de longue durée (de 19 h à te de l’effet hyperglycémiant des aliments évalué par l’in- midi le lendemain) et qui n’est peut-être pas idéal sur le dex glycémique. plan physiologique. Le fractionnement organisé de l’ali- mentation pourrait avoir l’avantage, au moins pour cer- Pour approfondir, on peut consulter le site suivant : tains individus, d’éviter les prises extra-prandiales, anar- http://www.alfediam.org/alfediam_fr/recomandations/ chiques et irrégulières, sous forme de grignotages ou de alfediam-nutrition-diabete.htm compulsions, qui peuvent constituer de véritables troubles du comportement alimentaire. Il permet alors • Pour l’ostéoporose de mieux réguler les apports énergétiques. Veiller aux apports de calcium et de vitamine D. La structure et l’organisation des repas Pour qui ? Traditionnellement dans la culture française, la structure du repas est ternaire : entrée, plat garni, fromage ou des- A l’échelon individuel sert… Le mangeur a donc l’occasion de consommer sous forme froide ou chaude, sucrée ou salée, l’ensemble des Il est important que les conseils nutritionnels soient per- aliments nécessaires à l’équilibre alimentaire. Mais les sonnalisés. Prendre en compte toutes les caractéristiques normes et les pratiques évoluent. Ce phénomène de de l’individu (âge, sexe, situation familiale, activité pro- transformation sociale des habitudes alimentaires ne doit fessionnelle, goût et préférences, pratiques religieuses...) pas être interprété trop rapidement comme néfaste, au est donc essentiel, de même que connaître son mode de profit d’“un ordre alimentaire” qui n’a pas de réelle justi- vie (horaires de travail, déplacements professionnels, loi- fication scientifique. Cependant, les repas pris hors du sirs). L’analyse de ces facteurs et des antécédents per- domicile sont souvent limités à un seul plat ou à un sand- sonnels et familiaux permet d’évaluer le risque de mala- wich et il est donc nécessaire d’évaluer les conséquences dies à déterminisme nutritionnel. Les messages seront de ce type de pratiques sur l’équilibre nutritionnel… Le donc ciblés sur certains facteurs. terme de repas destructuré est purement descriptif et ne L’intérêt de la prévention primaire et/ou secondaire de doit pas être associé à un jugement de type normatif. ces maladies sera développé ailleurs. Il n’est pas raison- La prise du repas devrait être considérée comme un nable dans l’état actuel des connaissances de soigner un moment privilégié de détente et de rencontre. patient diabétique, dyslipidémique, obèse ou coronarien sans prendre en compte sa façon de manger. Les traite- Conseils spécifiques pour les maladies ments diététique et médicamenteux sont complémen- à déterminisme nutritionnel taires et ont souvent des effets synergiques. L’alimentation joue un grand rôle dans la prévention et le Population générale traitement de certaines maladies fréquentes, comme l’a souligné récemment le “Programme National Nutrition L’alimentation de la population générale change en France Santé” (PNNS, janvier 2001). Certes, les facteurs nutri- comme dans d’autres pays industrialisés en fonction de tionnels ne sont pas les seuls en cause, qu’ils soient des déterminants socio-économiques et culturels. Parmi les fac- facteurs de risque ou des facteurs de protection. Ces teurs les plus importants, il faut citer le vieillissement de la maladies multifactorielles résultent de l’interaction de population et le développement de l’alimentation hors facteurs génétiques et de facteurs d’environnement. foyer. Ajoutons que l’immense majorité de nos aliments Mais elles concernent l’ensemble de la population. La sont fabriqués par l’industrie agroalimentaire. Celle-ci peut promotion de comportements favorables à la santé est donc avoir une influence importante sur les choix des un des buts affichés de ce plan. Les détails des mesures consommateurs, selon les lois de l’offre et de la demande. spécifiques seront donnés dans les chapitres correspon- L’analyse des comportements a permis récemment de dants de cet ouvrage. Nous rappellerons ici brièvement décrire 6 groupes de consommateurs en fonction de leur quelques messages essentiels : Typologie alimentaire (cf. “pour approfondir”). • Pour les maladies cardio-vasculaires - Pour lutter contre l’hypercholestérolémie, limiter l’ap- Populations particulières, groupes à risque port lipidique, notamment en réduisant la consommation Le PNNS a prévu 9 objectifs nutritionnels spécifiques, d’AG saturés. Des Indices d’athérogénicité ont été éta- correspondant aux problèmes posés par certains grou- blis en fonction de la composition en AG saturés des ali- pes à risque (tableau II). ments (cf. “pour approfondir”). - Régime anti-thrombogène : mêmes consignes. Favoriser la consommation de fruits et légumes et de Modalités pratiques poisson. - Régime de l’hypertension artérielle : perte de poids en Par qui ? cas d’obésité et contrôle des apports de sodium. Tous les acteurs de la santé sont concernés, mais le rôle • Pour les cancers essentiel est joué par le médecin de famille (ou le Favoriser la consommation de fruits et de légumes. Cah. Nutr. Diét., 36, hors série 1, 2001 2S19
  4. Besoins nutritionnels pédiatre). En effet, celui-ci intervient au niveau de la pré- Figure 1 Le bateau alimentaire (P. Sabatier, G. Pérès, A. Martin (ANC vention comme dans le suivi à long terme des maladies 2001). nutritionnelles. Les médecins spécialistes (par exemple : Les différentes parties du bateau représentent les catégories le cardiologue ou le gynécologue…) ont un rôle spéci- d’aliments : la surface des éléments graphiques est proportion- fique quand il faut traiter une pathologie donnée ; ils sont nelle à la quantité journalière conseillée. donc bien placés pour convaincre le patient de modifier ses habitudes alimentaires dans un but précis. Le diététicien est le “technicien” de l’aliment et de l’acte alimentaire. Il aide le patient à mettre en pratique les conseils généraux donnés par le médecin, en orientant sur le choix des aliments ou en expliquant des modes de préparation culinaires. Malheureusement, l’acte de diété- tique n’existe pas dans la nomenclature et n’est donc pas actuellement remboursé par la Sécurité sociale. La plu- part des diététiciens travaillent donc au sein de centres hospitaliers. De plus en plus, en raison de l’importance de la sédentarité et de sa lutte, on est amené à le faire tra- vailler en binome avec un animateur médico-sportif qui aide le patient à retrouver une activité physique. Les spécialistes en nutrition (DESC de Nutrition), qu’ils soient libéraux ou hospitaliers, interviennent en “deuxiè- me ligne” pour traiter les cas difficiles. Les psychologues et les psychiatres peuvent être sollici- tés pour prendre en charge les troubles graves du com- portement alimentaire (boulimie, frénésie alimentaire, anorexie mentale…). Comment ? Moyens L’éducation nutritionnelle fait partie de toutes les prises en charge, qu’elles soient préventives ou curatives. Les objectifs pédagogiques seront adaptés en fonction du contexte : connaissances des aliments et des nutriments, L.V. : Légumes verts P : Produits laitiers .I. évaluation des prises alimentaires et des rythmes biolo- Fr. : Fruits P.p.b. : Produits pêche giques, analyse des facteurs socio-culturels. & boucherie L’éducation nutritionnelle ne peut se résumer à proposer Fec : Féculents & farineux G.a. : Graisses animales une liste type d’aliments interdits ou au contraire autorisés. S.s. : Sucres simples G.V. : Graisses végétales Tout personnel de santé devrait être capable de donner des conseils simples basés sur l’équilibre alimentaire. Les moyens utilisables sont multiples : discussion ouverte, uti- Des connaissances dans le domaine de la pédagogie et lisation de fiches, de livrets, de logiciels spécifiques, ou de la communication, voire de la psychologie seront ici d’Internet… Nous donnons à titre d’exemple l’image du bien utiles. bateau, proposée récemment pour expliquer facilement l’intérêt des différents groupes d’aliments (figure 1). Pour approfondir Prescription personnalisée Les conseils généraux ont peu de chance d’être suivis • Calcul des dépenses énergétiques de repos (par exemple : vous n’avez qu’à manger mieux ou man- ger moins…). Il faut nécessairement tenir compte des 1) Equations de Black (ANC 2001) multiples facteurs déjà cités qui influencent le comporte- Femmes DER = 0,963 x P 0,48 x T 0,50 x A –0,13 ment alimentaire sans oublier les convictions philoso- Hommes DER = 1, 083 x P 0,48 x T 0,50 x A –0,13 phiques et religieuses. DER en MJ.J-1, Poids en kg, Taille en m et Age en années. Le rôle du soignant Pour passer en kcal/j : DER MJ.J-1 x 1000/ 4,1868 Le médecin doit faire preuve d’empathie (capacité intui- Cette équation surestime de 3 à 6 % la DER des personnes obèses et sous-estime de 3 à 5 % celle des sujets âgés de 60 à tive de se mettre à la place du sujet), lorsqu’il aborde une 70 ans actives pour leur âge (ANC 2001). prise en charge nutritionnelle. Changer sa façon de man- Le groupe d’experts des ANC 2001 ont choisi cette formule ger, c’est aussi changer sa façon de vivre. Le concept de comme étant la plus précise. “médecine centrée sur la personne” et non exclusive- ment sur la maladie prend ici tout son sens. L’objectif est Pour évaluer les DE 24 h, il faut multiplier la DER par le NAP d’aboutir à une gestion commune des problèmes, à un (niveau activité physique) pour lequel il existe 4 niveaux : partenariat, qui permet au soigné de faire sienne la - inactivité : 1,4 démarche thérapeutique. Il est illusoire de vouloir modi- - activité usuelle : 1,6 fier un comportement en promulguant des interdits ! - sujets actifs : 1,8 L’envie est un bien meilleur moteur que la contrainte. - sujets très actifs : 2 (hommes), 1,9 (femmes) Cah. Nutr. Diét., 36, hors série 1, 2001 2S20
  5. Besoins nutritionnels 2) Equations de l’OMS (1985) Groupe 2 : Les gros mangeurs diversifiés DER en kcal/j Les apports énergétiques sont importants et l’alimentation est variée. La consommation de pain, de beurre, de viande, de sauce, de sucre et de dérivés est importante. L’obésité et le sur- Âge Hommes Femmes poids sont fréquents dans ce groupe qui comporte surtout des 3-10 ans 22,7 x poids + 495 22,5 x poids + 499 hommes âgés de 25 à 54 ans. 10-18 ans 17,5 x poids + 651 12,2 x poids + 746 Conseils nutritionnels : limiter la consommation d’aliments à densité énergétique élevée ; augmenter la consommation de 18-30 ans 15,3 x poids + 679 14,7 x poids + 496 fruits et légumes (densité énergétique faible), ainsi que l’activité 30-60 ans 11,6 x poids + 879 8,7 x poids + 829 physique. > 60 ans 13,5 x poids + 487 10,5 x poids + 596 Groupe 3 : Les mangeurs standards Comme son nom l’indique, ce groupe est caractérisé par l’ab- Valeur du NAP selon l’OMS (1985) sence de choix alimentaire spécifique et par un niveau de consommation de toutes les catégories d’aliments proche de la Activité physique Hommes Femmes moyenne. On y trouve beaucoup de retraités et autant de femmes que d’hommes. Les habitudes alimentaires de ce grou- Faible 1,55 1,56 pe pourraient être représentatives de l’alimentation tradition- Modérée 1,78 1,64 nelle française. Le surpoids est fréquent. Intense 2,10 1,82 Conseils nutritionnels : renforcer l’éducation nutritionnelle sur l’équilibre alimentaire, promouvoir l’activité physique. • Densité nutritionnelle et densité énergétique Groupe 4 : Les jeunes mangeurs La densité nutritionnelle d’un aliment représente le contenu en L’âge est compris entre 18 et 34 ans. La consommation de biscuits micro-nutriments indispensables par rapport à son contenu sucrés, de riz, de pâtes, de soda et de chocolat est importante. énergétique (et non pas au poids ou au volume de l’aliment). Conseils nutritionnels : diversifier l’alimentation et prévenir La densité énergétique correspond à la quantité d’énergie l’obésité. apportée par l’aliment divisée par le poids ou le volume de cet aliment. Groupe 5 : Les petites mangeuses pressées Ce groupe est formé surtout des femmes jeunes (70 %). • Indice d’athérogénicité L’apport énergétique est faible. La consommation de viennoi- L’indice d’athérogénicité a été développé en 1991 par serie, de pizza, de quiche est fréquente. La diversité alimentai- Southgate et Ulrich. Cet indice prend en compte les trois re est limitée. classes d’acides gras (AGS, AGMI, AGPI) et leurs capacités à Conseils nutritionnels : prévenir les carences par l’éducation faire varier plus ou moins la cholestérolémie. Plus l’indice nutritionnelle et l’apprentissage de la diversité alimentaire. d’athérogénicité est élevé, plus l’aliment analysé est athérogè- ne. Le tableau ci-dessous donne quelques exemples. Groupe 6 : Les gros mangeurs monotones Les apports énergétiques sont importants dans ce groupe, Lait, Poulet constitués à 90 % d’hommes d’âge moyen (25-54 ans). La diver- beurre, Mouton Bœuf Porc (viande sité alimentaire est faible. La consommation de boissons alcoo- fromage et peau) lisées est élevée (20 % des AET). Ce groupe est caractérisé par la surconsommation de certains aliments : fromage, charcute- Indice rie, abats, pommes de terre et café. Le surpoids et l’obésité d’athérogénicité 2,03 1 0,72 0,60 0,50 sont fréquents. Conseils nutritionnels : prendre les mesures de prévention de • Typologie alimentaire l’obésité. L’observatoire des consommations alimentaires (OCA) et le CREDOC ont proposé récemment une typologie des consom- mateurs de plus de 18 ans. L’analyse des aliments consommés Pour en savoir plus pendant une période de 7 jours, classés en 44 catégories, a per- mis de distinguer 6 profils de consommateurs. Les risques nutri- tionnels apparaissent différents selon les groupes. Ce type Basdevant A., Laville M., Ziegler O. - Guide pratique pour le dia- d’approche n’a pas de finalité clinique, mais il peut être inté- gnostic, la prévention et le traitement de l’obésité en France. Diabetes ressant de l’utiliser pour prendre en compte la dimension socio- Metab., 1998, 24 (Suppl 2), 10-42. Ou Cah. Nutr. Diet., 1999; 34, logique des comportements alimentaires. hors-série 2. Martin A. - Coordonnateur, Apports nutritionnels conseillés pour la Groupe 1 : Les petites mangeuses diversifiées Ce groupe est caractérisé par des apports énergétiques faibles population française, 3e éd., Tec & Doc, Lavoisier, Paris, 2001. et une consommation de fruits et de légumes importante. Il est constitué surtout des femmes âgées de moins de 45 ans. La Rapport du Haut Comité de la Santé Publique. Pour une politique prévalence de l’obésité y est faible. nutritionnelle de santé publique en France. Enjeux et propositions. Conseils nutritionnels : maintenir la diversité alimentaire, préve- Editions ENSP, Rennes 2000. nir le risque de carences si les AET sont < 1 500 kcal/j. Cah. Nutr. Diét., 36, hors série 1, 2001 2S21
  6. Besoins nutritionnels Besoins nutritionnels (3) Alimentation du sportif 3 entraînements hebdomadaires, la dépense énergétique Points à comprendre de la semaine est peu augmentée. Ce type d’activité phy- sique n’implique donc pas un apport énergétique différent ➤ L’activité physique (travail, loisir, sport) correspond à de celui recommandé pour la population générale dans le tout mouvement corporel produit par la contraction des cadre d’une alimentation équilibrée et diversifiée. muscles squelettiques entraînant une augmentation La détermination des besoins énergétiques et le conseil substantielle de la dépense d’énergie au-dessus de la nutritionnel du sportif se font après une évaluation des dépense énergétique de repos. apports alimentaires (au mieux par entretien diététique) ➤ Les contractions musculaires ont pour support, au comparée à l’évaluation de la dépense énergétique, en niveau des fibres musculaires, les glissements des myofi- prenant en compte le type d’activité (intensité, durée, laments d’actine entre ceux de myosine, avec transfor- fréquence), le degré d’entraînement et la corpulence du mation d’énergie chimique provenant de l’hydrolyse de sujet (poids et taille, si possible mesure de la composition l’ATP en énergie mécanique et thermique. L’ATP présent , corporelle). Les besoins énergétiques des sportifs sont en faibles concentrations dans le muscle, doit être rapi- variables au cours de l’année, élevés lors de la saison de dement resynthétisé pour la poursuite de l’exercice. Pour compétition, plus faibles en intersaison. un exercice d’une durée supérieure à quelques minutes, Les apports énergétiques accrus des sportifs pratiquant l’énergie nécessaire est apportée par la filière aérobie (en des activités d’intensité élevée doivent être consommés présence d’oxygène), principalement à partir de l’oxyda- sous forme de repas et de collations. Ceux-ci doivent tion du glucose et des acides gras au niveau de la chaîne être riches en énergie, apporter suffisamment de pro- respiratoire mitochondriale, l’oxydation des acides ami- téines et de micro-nutriments et être facilement digérés nés étant quantitativement moins importante. La puis- et absorbés. sance maximale du métabolisme aérobie correspond à la Certains sportifs (ex. sports à catégorie de poids) peuvent consommation maximale d’oxygène (VO2max) mesurée réduire leurs apports alimentaires dans le but de contrô- couramment lors d’un exercice standardisé d’intensité ler leur poids et de réduire leur masse grasse. Des apports croissante. énergétiques insuffisants peuvent entraîner une perte de ➤ L’alimentation du sportif doit répondre aux besoins masse musculaire, une perte de masse osseuse, une dimi- nutritionnels spécifiques qui découlent des adaptations nution de la performance et une augmentation du risque physiologiques à l’exercice. de fatigue, d’accident, de maladie intercurrente et de trouble du comportement alimentaire. Lorsqu’une perte de poids est souhaitée, elle devrait se faire avant le début A savoir absolument de la saison de compétition et être suivie sur le plan nutri- tionnel. A l’inverse, un excès d’apport énergétique peut Besoins en énergie entraîner une prise de poids et de masse grasse et altérer le profil de risque cardio-vasculaire (glycémie, lipides, pres- Assurer ses besoins énergétiques est la première priorité sion artérielle). Un suivi médical est alors nécessaire. nutritionnelle pour le sportif. L’activité physique, qu’il s’agisse d’entraînement ou de com- pétition, augmente la dépense énergétique quotidienne Besoins en macro-nutriments (voir Pour approfondir : Energie). Pour répondre à ces besoins énergétiques accrus, les sportifs doivent augmenter leurs Besoins en glucides apports alimentaires en fonction de la dépense énergétique prévue. A noter cependant que pour une majorité de sujets Les glucides représentent le principal substrat énergé- pratiquant des activités physiques ou sportives de loisir, tique pour la réalisation d’activités sportives de haut avec au plus 3 heures par semaine d’activité et au maximum niveau d’intensité élevée. Les apports en glucides sont Cah. Nutr. Diét., 36, hors série 1, 2001 2S22
  7. Besoins nutritionnels essentiels pour maintenir la glycémie pendant l’exercice Les apports nutritionnels conseillés en acides gras essen- et pour remplacer le glycogène musculaire (voir Pour tiels pour la population générale s’appliquent aux spor- approfondir : Glucides). tifs (10 g/j d’acide linoléique, au moins 2 g/j d’acide Les apports nutritionnels en glucides conseillés pour le alpha-linolénique). sportif d’endurance peuvent représenter 55 à 65 %, voire Besoins en protéines 70 % de l’apport énergétique total quotidien équilibrant la dépense énergétique. Les apports recommandés en Les protéines ne représentent un substrat énergétique glucides varient de 5 à 12 g/kg de poids corporel par jour significatif de l’exercice que dans le cas d’exercices d’in- en fonction de l’intensité de l’activité prévue. Le type de tensité élevée, de durée très prolongée et/ou lors d’une glucides est variable en fonction du délai par rapport à déplétion préalable des réserves de glycogène. Une l’exercice (avant ou après) : plus ce délai est long, plus les éventuelle augmentation des besoins protéiques glucides seront de type complexe et à index glycémique dépend également du type de sport pratiqué (endu- faible ; inversement, plus ce délai est court, plus les glu- rance ou force) (voir Pour approfondir : Protéines). cides seront de type simple et à index glycémique élevé. En général, l’apport protéique nécessaire est obtenu par Avant la compétition, différents régimes ont été propo- l’augmentation des apports énergétiques totaux nécessai- sés pour obtenir des taux maximaux de glycogène mus- re au maintien du poids chez les sujets sportifs, sans besoin culaire au départ de l’épreuve. Le principe est de “saturer” de supplément en protéines ou en acides aminés. A noter l’organisme en glucides pendant la semaine précédant que pour les sujets pratiquant une activité physique ou l’épreuve. Ceci est obtenu par la prise de 600-800 g/jour sportive d’intensité modérée, sur une base régulière, par de glucides, représentant 60-70 % de l’apport énergé- ex. 3 fois une demi-heure à 1 heure par semaine, les tique total, principalement sous forme de glucides com- besoins protéiques seront couverts par les apports nutri- plexes et d’index glycémique moyen à faible (pâtes sur- tionnels conseillés pour la population correspondante. tout, riz, pommes de terre…). Parallèlement, le volume Pour les sportifs d’endurance (ex. coureurs de longue dis- quotidien d’exercice est progressivement diminué. Ce tance), l’objectif est l’obtention d’un bilan azoté équili- type de régime n’est indiqué que pour des compétitions bré, c’est-à-dire un équilibre entre les apports et les d’une durée minimum de 1,5 à 2 heures. pertes protéiques. Les apports nutritionnels conseillés en Pendant la compétition, des glucides simples et d’index protéines dans ce cas ont été estimés à environ 1,5- glycémique élevé comme le glucose, le saccharose et les 1,7 fois l’apport nutritionnel conseillé pour la population maltodextrines sont d’efficacité égale pour le maintien générale correspondante (soit 1,5-1,7 g/kg/jour) et de la glycémie. Les glucides en solution sont plus effi- correspondent à 12-16 % de l’apport énergétique total caces que sous forme solide accompagnée d’eau. En quotidien équilibrant les dépenses énergétiques. Ces pratique, pour des efforts de plus d’une heure, l’inges- apports sont couverts par les aliments courants, dans le tion de boissons glucidiques est conseillée correspon- cadre d’une alimentation équilibrée et diversifiée. dant à la prise régulière, toutes les 15 à 30 minutes, de Pour les sportifs de force (ex. haltérophiles), si le but est 150 à 300 ml d’une solution (30 à 100 g/l) de glucose ou le maintien de la masse musculaire, l’objectif est l’obten- de polymères de glucose ou de saccharose. A noter que tion d’un bilan azoté équilibré avec des apports de sécu- la prise de glucides pendant l’effort ne paraît pas aug- rité estimés à 1-1,2 g/kg/j. Si le but est d’augmenter la menter la performance pour des épreuves d’une durée masse musculaire, l’objectif est de positiver le bilan inférieure à 1 heure. azoté. Il est alors possible de conseiller des apports de 2 Après l’effort, il est important pour le sportif de consom- à 3 g/kg/j pendant des périodes ne dépassant pas 6 mois mer des glucides le plus rapidement possible après la fin et sous contrôle médical et diététique. Les 2/3 de ces de l’exercice. En pratique, est conseillée dès la fin de apports doivent être couverts par des aliments courants, l’exercice la prise de boissons contenant du glucose (à rai- le reste par des suppléments (sans dépasser 1 g/kg/j, son de 0,15 à 0,25 g/kg toutes les 15 minutes pendant sous forme de protéines à haute valeur biologique). Des 2 à 4 heures). Au-delà de 1 heure après l’exercice, des apports supérieurs ne permettent pas une accrétion pro- apports en glucides sous forme solide peuvent être ajou- téique musculaire supplémentaire et ne sont donc pas tés ; poursuivis toutes les 2 heures, sur 6 heures ou plus, ils justifiés en termes d’efficacité. permettront en 24 heures une régénération presque com- plète des réserves de glycogène musculaire et hépatique. Besoins en eau et en électrolytes Besoins en lipides Les apports en eau et en électrolytes (NaCl) sont indis- Les lipides sont utilisés préférentiellement comme pensables pour remplacer les pertes liquidiennes lors de substrat énergétique lors d’exercices d’intensité modé- l’exercice, principalement sous forme de sueur (voir Pour rée (40-60 % du VO2max) et lors de l’entraînement en approfondir : Eau et électrolytes). La déshydratation diminue endurance (voir Pour approfondir : Lipides). la performance et expose au risque d’accident (coup de L’importance des apports en lipides dans l’alimentation du chaleur). sportif découle de l’énergie, des vitamines liposolubles et A l’exercice, la soif n’est pas un critère fidèle de l’impor- des acides gras essentiels qu’ils apportent. tance de la déshydratation et de l’efficacité de la réhy- Les apports nutritionnels conseillés en lipides pour le sportif dratation. Un bon moyen pour apprécier l’importance de d’endurance correspondent à 20-30 % de l’apport énergé- la déshydratation est la pesée avant et après l’exercice. tique total quotidien, compte tenu du fait que les apports La diminution de la performance est proportionnelle à la en glucides sont nettement favorisés (cf. ci-dessus). Des déshydratation exprimée en pourcentage de poids cor- apports insuffisants en lipides (< 15 % des apports) ou au porel perdu. La survenue d’accidents graves, parfois contraire hyperlipidiques, de même que la prise d’un repas mortels comme le coup de chaleur, est favorisée par une riche en lipides (60 %) dans les heures précédant l’exercice, déshydratation supérieure à 4 % du poids. n’apportent pas de bénéfice en termes de performance. Cah. Nutr. Diét., 36, hors série 1, 2001 2S23
  8. Besoins nutritionnels L’adjonction de NaCl à la boisson n’a pas d’effet signifi- mentation systématique en fer sans preuve d’une défi- catif actuellement démontré sur la performance physique cience par un bilan préalable est formellement déconseillée. par rapport à l’eau seule. Cependant, elle limite la baisse Le statut pour d’autres minéraux importants (calcium, de volume plasmatique pendant l’exercice et favorise la magnésium, zinc, cuivre, sélénium) est en général satis- rétention du volume liquidien extracellulaire. Pendant les faisant chez les sportifs. exercices de très longue durée (allant jusqu’à 8-10 heu- La couverture des besoins vitaminiques du sportif a deux res, ex. triathlons de longue distance), l’apport de NaCl objectifs principaux : assurer un statut vitaminique satis- est impératif pour éviter l’apparition d’une hyponatrémie faisant permettant le maintien de l’état de santé et la per- symptomatique (< 130 mmol/l), qui est une urgence, formance ; aider à la protection cellulaire lors de l’exer- résultant d’un apport de sodium trop faible par rapport à cice et à la réparation cellulaire lors de la récupération. la quantité d’eau ingérée. Un apport supplémentaire en vitamines n’améliore pas la Avant l’exercice, il est important, pour prévenir un déficit performance des sujets dont le statut vitaminique initial en eau, d’ingérer une boisson appropriée de façon frac- est satisfaisant. tionnée (500 ml dans les 2 heures précédant l’activité), Pour les sportifs pratiquant une activité physique ou surtout par temps chaud et humide. sportive occasionnelle ou modérée (1 à 3 heures par Lors de l’exercice, la quantité de boisson à apporter doit semaine), les besoins vitaminiques sont proches de ceux être ajustée à la perte d’eau prévisible. Pour un exercice établis pour la population générale correspondante. continu d’une durée inférieure à 1 heure, la quantité Pour les sportifs réalisant des exercices intenses et répé- d’eau à apporter doit être au moins égale à la moitié de tés, les besoins et donc les apports recommandés en la perte de poids prévisible ; une compensation en sel vitamines dépendent du type de sport pratiqué. Pour les n’est pas nécessaire. Pour un exercice de 1 à 3 heures, sports d’endurance, les besoins en vitamines “à rôle l’apport de boisson peut aller jusqu’à 1,5 l/h selon l’in- énergétique” (thiamine, riboflavine, niacine, vitamine B6) tensité de l’exercice et les conditions climatiques ; un et en vitamines “anti-oxydantes” (vitamines C, E et bêta- complément en NaCl dilué dans la boisson (1,2 g/l) est carotène) sont augmentés. Pour les sports de force, les conseillé. Pour un exercice de plus de 3 heures, un besoins en vitamine B6 et en vitamines “anti-oxydantes” apport de boisson de 0,5 à 1 l/h est recommandé et un sont augmentés. En cas de besoin, il est souhaitable complément de NaCl dans la boisson est absolument d’augmenter les apports de l’ensemble des vitamines et recommandé. A noter que des concentrations de non pas ceux d’une seule d’entre elles, en priorité par NaCl >1,2 g/l donnent un goût saumâtre à la boisson qui une alimentation équilibrée et diversifiée apportée par est alors plus difficile à ingérer. les aliments courants. Après l’exercice, il est important de restaurer le plus rapidement possible l’équilibre hydrominéral, surtout si le sportif doit fournir à court terme un nouvel effort. Points essentiels à retenir Dans ce but, il est recommandé d’apporter une quanti- té de boisson compensant 150 % de la perte de poids ➤ L’alimentation du sportif répond aux adaptations obtenue lors de l’activité. La boisson de récupération physiologiques à l’exercice. Elle est d’abord basée sur doit apporter du Na (1,2 g/l) sous forme de NaCl, en la prise d’aliments courants dans le cadre d’une ali- association avec d’autres sels de Na (citrate ou acétate). mentation équilibrée et diversifiée, sous forme de Les apports de sel sous forme de comprimés ou dragées repas et de collations. sont déconseillés (aggravation de la déshydratation, ➤ La première priorité nutritionnelle pour le sportif est troubles digestifs). que son alimentation soit en quantité suffisante pour couvrir l’augmentation de ses besoins énergétiques. Les glucides représentent le principal substrat pour les Besoins en minéraux et vitamines activités d’intensité élevée. Les lipides représentent le substrat préférentiel pour les activités d’intensité L’augmentation des apports énergétiques totaux chez modérée et lors de l’entraînement en endurance. les sujets sportifs, dans le cadre d’une alimentation équi- ➤ Avant l’effort, l’objectif est d’obtenir un état d’hy- librée et diversifiée apportée par les aliments courants, dratation correct et une teneur optimale en glycogè- doit permettre de couvrir les besoins en minéraux et vita- ne musculaire (glucides de type complexe et à index mines dans la majorité des cas, sans besoin de supplé- glycémique faible). Au cours de l’effort, les trois priori- mentation spécifique. tés sont de réhydrater, resucrer et reminéraliser, pour Les sportifs à risque de déficience en micro-nutriments éviter la déshydratation et maintenir la glycémie (bois- sont ceux qui limitent leurs apports énergétiques, en par- sons sucrées avec NaCl). Après l’effort, l’objectif est ticulier dans le but de perdre du poids, ceux qui élimi- de compenser rapidement les pertes liquidiennes et nent de leur alimentation un ou plusieurs groupes d’ali- de recharger les réserves en glycogène. ments, ou ceux qui consomment des régimes riches en ➤ Le plus souvent, les besoins en protéines comme glucides avec une faible densité en micro-nutriments. ceux en vitamines et minéraux sont couverts par l’aug- Une déficience en fer, dont témoigne une ferritinémie mentation des apports énergétiques. abaissée, est observée chez un nombre non négligeable de femmes sportives. Elle s’observe plus rarement chez les hommes. Cette situation peut s’expliquer par des Pour approfondir apports insuffisants en fer et par une augmentation des pertes digestives, urinaires et par la sueur, qui dépendent Énergie de l’intensité et de la durée de l’exercice. Une supplé- mentation n’est justifiée qu’en cas d’anémie sidéropé- Lors de la contraction musculaire, l’énergie nécessaire à la nique prouvée. Dans ce cas, la prescription initiale est de resynthèse de l’ATP musculaire peut être apportée par 3 filières 100 mg/j de fer ferreux pendant 1 mois. Une supplé- en fonction du type d’exercice, de son intensité, de sa durée et Cah. Nutr. Diét., 36, hors série 1, 2001 2S24
  9. Besoins nutritionnels du degré d’entraînement. 1) La filière anaérobie (en absence la fatigue au cours de l’effort en interférant avec des méca- d’oxygène) alactique (sans production de lactate), mise en jeu nismes sérotoninergiques centraux. La glutamine pourrait limi- pour des efforts intenses d’une durée inférieure à quelques ter la déficience immunitaire lors d’un entraînement très inten- dizaines de secondes (sprint), utilise la créatine phosphate mus- sif. Cependant, il n’existe pas actuellement de données établies culaire dont les réserves sont très faibles, mais rapidement permettant d’alléguer un quelconque effet bénéfique d’une reconstituées. 2) La filière anaérobie lactique, mise en jeu pour supplémentation par ingestion d’un ou de quelques acides des efforts intenses d’une durée supérieure à 10-15 secondes, aminés chez le sportif. utilise le glycogène musculaire par la glycolyse anaérobie abou- tissant à la production de lactate. 3) La filière aérobie, mise en Eau et électrolytes jeu pour des efforts plus prolongés, représente le système le plus important de fourniture de l’ATP principalement à partir de , Lors de la contraction musculaire, 75 % de l’énergie chimique l’oxydation des substrats glucidiques et lipidiques. provenant des oxydations cellulaires est transformé en chaleur La dépense énergétique liée à l’activité physique représente la et seulement 25 % sert à produire de l’énergie mécanique. La partie la plus variable de la dépense énergétique totale (de chaleur produite par les muscles est transférée à la périphérie 24 heures). La dépense énergétique liée à l’activité physique par la circulation. Elle est éliminée à la surface de l’organisme dépend des caractéristiques de l’activité physique pratiquée principalement par évaporation sous forme de sueur (580 kcal (intensité, durée, fréquence) et des caractéristiques du sujet qui par litre de sueur évaporée). la pratique (niveau d’entraînement, dimensions et composition Le débit sudoral peut parfois être considérable. Il dépend corporelle). Les besoins énergétiques peuvent doubler pour un surtout de l’élévation de la température interne et d’autres marathon et être multipliés par 3 ou 4 lors d’une course cycliste facteurs tels que l’entraînement, l’acclimatation à la chaleur comme le Tour de France au cours de laquelle les sportifs peu- et le niveau d’hydratation corporelle. Il est plus élevé en vent dépenser de 6,500 à 10,000 kcal/jour. ambiance chaude. Les pertes hydriques peuvent ainsi s’éle- ver à 1-3 litres par heure, parfois sur plusieurs heures. Lors d’un footing, un coureur peu entraîné peut perdre de 0,5 à Glucides 1 litre par heure. Lors de sports comme le football ou le ten- nis professionnel, les joueurs peuvent perdre jusqu’à 3 à Les réserves de l’organisme en glucides sont limitées (quelques 4 litres par match. L’électrolyte le plus important excrété centaines de grammes de glycogène musculaire et hépatique). dans la sueur, constituée en majorité d’eau, est le sodium La déplétion des réserves de glycogène musculaire est le fac- (NaCl, 20 à 60 mmol/l). teur déterminant de l’épuisement du sportif. Après l’effort, le taux de resynthèse du glycogène musculaire est un facteur important de la récupération, c’est-à-dire la possibilité de s’en- Minéraux et vitamines traîner à nouveau, voire de refaire une compétition dans de L’importance du fer chez le sportif vient de son rôle dans le brefs délais. Le taux de resynthèse du glycogène musculaire est transport de l’oxygène (hème de l’hémoglobine). Le taux san- le plus élevé dans les deux premières heures après l’effort. guin d’hémoglobine est directement lié à la puissance aérobie Le taux de glycogène musculaire dépend principalement des maximale (VO2max). apports en glucides. Les apports en glucides sont donc essen- L’implication des vitamines dans l’exercice tient, d’une part, à tiels pour maintenir la glycémie pendant l’exercice et pour rem- leur participation comme coenzymes à la production d’ATP lors placer le glycogène musculaire. du fonctionnement des cellules musculaires (rôle énergétique), et, d’autre part, à leur pouvoir anti-oxydant (vitamines C, E, et Lipides bêta-carotène) qui pourrait protéger les structures et consti- tuants cellulaires des effets des radicaux libres dérivés de l’oxy- Lors de l’exercice, en valeur relative, la proportion de la dépense gène produits pendant l’exercice. énergétique dérivée de l’oxydation des lipides diminue au fur et à mesure que l’intensité de l’exercice augmente. L’inverse se Compléments et suppléments pour sportifs produit pour les glucides. Après une période d’entraînement De nombreux produits disponibles sur le marché sont supposés en endurance, la part des lipides comme substrat énergétique augmenter la performance. Pour une majorité d’entre eux, il de l’exercice est augmentée ; parallèlement, l’utilisation du gly- n’existe pas de données scientifiques permettant de justifier cogène est diminuée. L’augmentation de l’oxydation lipidique ces allégations et de prouver leur innocuité. L’ingestion chro- s’explique plutôt par une augmentation de la capacité oxydati- nique de créatine (20 g/j) permet d’augmenter d’environ 20 % ve musculaire que par une augmentation de la mobilisation des la quantité totale de créatine musculaire et d’améliorer la per- lipides du tissu adipeux. Les fibres musculaires contiennent en formance lors d’exercices de très haute intensité et de courte effet des triglycérides en réserve dans le sarcoplasme (triglycé- durée comme le sprint (filière anaérobie alactique). La toxicité rides intramusculaires). de tels apports, qui représentent 10 fois les apports habituels, Un intérêt particulier a été porté aux suppléments en triglycé- n’est pas clairement définie. La prescription et la vente de créa- rides à chaîne moyenne (TCM). En effet, comparés aux trigly- tine est interdite par la loi en France. cérides à chaîne longue, les TCM sont plus rapidement absor- bés au niveau intestinal et oxydés au niveau mitochondrial. Cependant, l’ingestion de TCM n’a pas actuellement d’effet démontré sur la performance. De plus, du fait d’une tolérance Pour en savoir plus digestive limitée, la contribution des TCM à la dépense éner- gétique est limitée à environ 7 %. Guilland J.C., Margaritis I., Melin B., Pérès G., Richalet J.P., Protéines Sabatier P.P. - Sportifs et sujets à activité physique intense. In: Martin A, coordonnateur. Apports nutritionnels conseillés pour la population Les mécanismes pouvant expliquer l’augmentation des besoins française. 3e édition. Paris: Editions Tec et Doc; 2001; pp. 337-94. protéiques chez les sportifs correspondent principalement à la nécessité de réparation des microlésions des fibres musculaires Guezennec CY. - Le statut nutritionnel du sportif. Cah. Nutr. Diét. X. pouvant être à l’origine de fuites extracellulaires de protéines (sports d’endurance), et à l’augmentation des apports pro- Monod H., Flandrois R. - Physiologie du sport. Bases physiologiques téiques nécessaire au gain de masse musculaire (sports de force). des activités physiques et sportives. 4e édition. Paris: Masson; 1997. Les effets particuliers chez les sportifs de différents acides ami- Pérès G. - Nutrition du sportif. In: Brunet-Guedj E., Genety J., éditeurs. nés ont été évoqués. Certains acides aminés à chaîne ramifiée Abrégé de médecine du sport. 8e édition. Paris: Masson; 2000; pp. 274-94. (ex. leucine, isoleucine, valine) pourraient limiter la survenue de Cah. Nutr. Diét., 36, hors série 1, 2001 2S25
  10. Risques liés à l’alimentation Risques liés à l’alimentation (1) Les risques toxicologiques re, la couleur, le goût... L’évaluation des additifs est un Points à comprendre processus long et difficile, se déroulant à l’heure actuelle au niveau européen, requérant un dossier aussi volumi- ➤ L’essentiel de la réglementation mise en place dans le neux que celui nécessaire à la délivrance de l’autorisation domaine alimentaire au cours du siècle dernier a cherché de mise sur le marché d’un médicament : il faut démon- à limiter au maximum la présence dans les aliments de trer aussi bien la nécessité d’utiliser un additif que l’effi- contaminants qui pourraient être néfastes pour la santé cacité pour le but recherché et l’absence de risque immé- de l’Homme. diat ou différé pour la santé. L’autorisation est accordée ➤ En dehors d’accidents sanitaires, les niveaux de conta- pour une dose et une catégorie de produits définis. mination par des toxiques dans l’alimentation disponible Quelques additifs particulièrement sûrs ont une DJA non en France sont très faibles : le calcul théorique du spécifiée ; ils sont alors classés sur une liste appelée nombre de décès (par cancer notamment) ou de « inventaire » et leur utilisation dans de nouveaux ali- malades attribuables à la persistance de ces doses faibles ments ne requiert pas d’autorisation particulière. La dose est fondée sur des modèles linéaires simples, alors qu’on utilisable est dite « quantum satis », dose nécessaire et ignore encore beaucoup de choses sur les questions de suffisante pour obtenir l’effet recherché. Les additifs seuil, d’effets cumulatifs, de synergie ou d’antagonismes autorisés sont régulièrement réévalués en fonction de entre ces composés. l’évolution des connaissances ; ➤ L’évolution des connaissances sur les modes d’action - la DJT, dose journalière tolérable, ou la DHT, dose heb- très divers des toxiques conduisent à ne plus restreindre domadaire tolérable, est utilisée pour les composés dont l’étude de leurs effets à la carcinogenèse, mais à l’élargir la présence dans l’alimentation n’est pas souhaitée, mais aux effets sur de nombreux systèmes : hormones et inévitable, notamment pour des raisons de contamination reproduction, immunité, cognition, défense anti-oxydan- de l’environnement. Cette dose est extrapolée le plus te, système cardio-vasculaire… De ce fait, l’évaluation souvent à partir d’études sur les animaux, quelquefois à toxicologique d’une molécule devient de plus en plus dif- partir de données sur l’Homme obtenues lors de catas- ficile, alors même que le nombre de molécules nouvelles trophes écologiques. On détermine la dose maximale présentes dans l’environnement puis dans nos aliments sans effet (NOAEL, no observable adverse effect level) ou s’accroît. la dose minimale ayant entraîné un effet néfaste (LOAEL, lowest observable adverse effect level). Cette dose est A savoir absolument divisée par des facteurs empiriques de sécurité, au mini- mum de 100 : 10 pour l’extrapolation de l’animal à l’Homme, 10 pour prendre en compte la diversité à l’inté- En France, la première loi de sécurité sanitaire concer- rieur de l’espèce humaine et la durée de vie. Des facteurs nant les aliments date du 1er août 1905 ; son décret d’ap- plus élevés peuvent être utilisés, notamment lorsque les plication le plus important date de 1912 et crée la notion molécules sont mutagènes ou génotoxiques. La détermi- de liste positive, stipulant que tout ce qui n’est pas expli- nation de la valeur finale prend en compte le régime ali- citement autorisé ne peut pas être ajouté dans les ali- mentaire global, incluant les différentes sources possibles ments. Par la suite, une grande partie de la réglementa- du contaminant, soit par l’utilisation d’un « régime type », tion a cherché à réduire au maximum la présence dans soit de façon plus précise par simulation de l’exposition les aliments de composés potentiellement néfastes pour utilisant des données de consommation réelles représen- la santé. Au fur et à mesure de l’évolution des connais- tatives de la population française. Ces évaluations sont sances et des concepts, et particulièrement après 1945, conduites au niveau international sous l’égide de l’OMS, plusieurs outils ont été développés dans ce but : au niveau européen ou au niveau français (Afssa) ; - la DJA, ou dose journalière admissible, concerne les - la LMR, ou limite maximale de résidu, concerne la quan- molécules ajoutées intentionnellement dans les aliments tité maximale tolérée dans un aliment précis ; elle découle pour obtenir un effet précis sur la conservation, la textu- Cah. Nutr. Diét., 36, hors série 1, 2001 2S26
  11. Risques liés à l’alimentation des évaluations précédentes et dépend en partie du nent les PCB et dioxines, les métaux lourds, les hydro- niveau de consommation du produit considéré. C’est la carbures. On peut rattacher à la pollution de l’écosystè- valeur qui est utilisée lors des contrôles, pour rejeter ou me le développement des microalgues produisant des non les lots de produits. toxines qui seront retrouvées dans les produits de la mer (phycotoxines). L’interférence des données économiques Les contrôles sont effectués en France par les services avec les impératifs de santé publique conduit fréquem- déconcentrés de la Direction générale de l’alimentation ment à un mode de gestion appelé ALARA (as low as (DGAl) du ministère de l’Agriculture et de la Pêche sur reasonably achievable), visant à réduire au maximum ces l’ensemble de la chaîne agroalimentaire, à l’exception contaminants à un coût économiquement acceptable ; des produits finis livrés aux consommateurs, qui sont contrôlés par les services dépendant de la Direction - enfin, il existe des toxiques néoformés, résultant des trai- générale de la concurrence, de la consommation et de la tements technologiques appliqués aux aliments. Les plus répression des fraudes (DGCCRF). Outre des contrôles connus résultent des techniques de cuisson : composés ponctuels en fonction des problèmes rencontrés, il exis- de la réaction de Maillard, peroxydation lipidique, amines te des contrôles systématiques qui revêtent deux hétérocycliques et hydrocarbures aromatiques polycy- formes : les plans de surveillance, effectués par échan- cliques. Les choix alimentaires et culinaires des consom- tillonnage aléatoire, et les plans de contrôle, ciblés sur mateurs conditionnent en grande partie ce risque. certaines catégories de produits considérés comme par- S’ajoutant à cette diversité des risques toxicologiques, ticulièrement à risque. Les résultats de ces plans sont plusieurs facteurs rendent de plus en plus complexes régulièrement publiés par l’administration ; seuls les pre- l’évaluation et la gestion de ces risques : miers donnent des résultats pouvant être considérés - le nombre de molécules potentiellement toxiques pré- comme représentatifs de la situation réelle. Des dizaines sentes dans l’environnement et susceptibles de se retrou- de milliers d’analyses sont effectuées chaque année. Dans ver dans les aliments augmente régulièrement. Il n’est de nombreux cas, les taux de non-conformité (dépasse- pas possible de tout évaluer a priori. Le concept de « seuil ment des LMR) sont inférieurs à 1 %. de considération toxicologique » (threshold of toxicolo- Il existe naturellement de nombreux toxiques présents gical concern) se développe actuellement pour mieux dans les produits animaux ou végétaux ; certains se com- maîtriser cette évaluation. Toutes les molécules chi- portent comme des facteurs anti-nutritionnels (chélateurs miques se répartissent dans un nombre limité de classes de minéraux, inhibiteurs d’enzymes, lectines...). De structurales, pour lesquelles des données toxicologiques longue date, les espèces les plus toxiques pour l’Homme précises existent pour quelques représentants de ces ont été éliminées de la consommation humaine, mais il classes. En fonction de ces données toxicologiques, on persiste, chez les végétaux notamment, des dizaines de définit un seuil d’exposition humaine en dessous duquel milliers de molécules différentes qui ne sont pas toutes le risque est considéré comme négligeable ou nul. Pour aussi bien évaluées que les contaminants « vrais ». de nombreuses classes de composés, les instances inter- L’origine des contaminants est extrêmement diverse : nationales admettent qu’une consommation de moins - les contaminants pour lesquels une analyse bénéfice/ de 1,5 µg par jour pour chaque molécule ne présente pas risque peut être faite regroupent tous les « biocides » de risque inacceptable (risque inférieur à 10-5 : un cancer (insecticides, herbicides, fongicides, bactéricides...) et les supplémentaire lié à ce produit pour 100 000 personnes). médicaments vétérinaires, utilisés pour accroître la pro- Cette méthode permet une meilleure gestion des res- ductivité et la qualité sanitaire des produits. Les contrôles sources humaines et financières disponibles pour tra- à la source sont relativement bien maîtrisés par différents vailler davantage sur les molécules les plus dangereuses moyens : procédure d’autorisation des produits après pour la santé ; évaluation toxicologique et d’efficacité, définition des - le problème de l’effet à long terme sur la santé et au modalités d’emploi, des délais avant abattage ou récol- niveau d’une population des très faibles doses actuelle- te, des limites maximales de résidu. Cette optimisation ment présentes dans les aliments est un problème diffici- d’emploi fait partie des objectifs de l’agriculture raison- le. En dehors des catastrophes sanitaires ou des intoxica- née et de l’agriculture durable. Des méthodes alterna- tions professionnelles ou involontaires, il n’est pas tives à l’emploi de ces substances existent, notamment possible d’attribuer spécifiquement à un composé une par l’agriculture biologique. Cette dernière répond à des part de la morbidité ou de la mortalité constatée dans la cahiers des charges précis, en partie harmonisés au population. Les chiffres avancés résultent la plupart du niveau européen, imposant une obligation de moyen, temps, sinon toujours, d’une extrapolation linéaire : contrôlée régulièrement par des organismes agréés. Les connaissant la mortalité chez l’animal (ou l’Homme) à une pratiques culturales sont responsables de l’excès de dose donnée, on en déduit la mortalité humaine à une nitrates (par les engrais azotés) et conditionnent aussi en dose plus faible. L’utilisation de ces modèles mathéma- partie le développement de champignons parasites res- tiques conduit à la notion de dose virtuellement sûre ponsables de la production de mycotoxines ; (DVS), différente de la DJA déterminée directement à - les contaminants résultant de l’utilisation frauduleuse de partir de l’expérimentation. Cependant, cette extrapola- produits non autorisés pour des raisons diverses (activa- tion ne prend pas en compte la possibilité d’effets de teurs de croissance, hormones...) ; seuil, liés par exemple aux possibilités de réparation de - les molécules résultant d’une contamination involontai- l’ADN ou aux moyens de défense sophistiqués de l’or- re par le biais de l’environnement, liée la plupart du ganisme. Il est encore plus difficile d’évaluer les effets temps à l’activité humaine, notamment industrielle. La cumulatifs sur les très longues périodes de la vie humai- seule solution réside dans la diminution des émissions ne, les possibilités de synergie ou, au contraire, d’anta- polluantes à la source. Chacun, par ses actes de consom- gonismes entre contaminants. Pour les métaux lourds, un mation (pas seulement alimentaire) et son style de vie, problème analytique supplémentaire difficile s’ajoute, porte une part de responsabilité dans cette pollution. Les celui de la spéciation des métaux : les effets toxiques composés les plus fréquemment mis en cause concer- peuvent être très variables selon l’espèce chimique consi- Cah. Nutr. Diét., 36, hors série 1, 2001 2S27
  12. Risques liés à l’alimentation dérée pour ce métal. Le dosage du métal total (déjà dif- ➤ Il reste quelques cas où le consommateur peut ficile en lui-même aux très faibles doses) est alors insuffi- exercer une gestion directe. Parmi les exemples les sant pour évaluer correctement le risque ; plus nets : remplacement des tuyaux de plomb de son - si l’accent a longtemps été mis sur le développement logement, diversification des espèces de poissons des cancers, plus facile à étudier, l’évolution des connais- (mercure), limitation des traitements trop drastiques sances indiquent que des effets peuvent se produire sur des aliments (hydrocarbures aromatiques polycy- de nombreux autres systèmes, compliquant l’évaluation : cliques), limitation de consommation du foie de cheval système hormonal et reproduction (d’où les études (cadmium). actuelles sur les « perturbateurs endocriniens » (endocri- ne dysruptors) tels que dioxines et PCB, phyto-œstro- gènes...) ; immunité, cognition, maladies cardio-vascu- Pour approfondir laires... Les doses néfastes d’un composé ne sont pas forcément les mêmes pour tous ces effets ; Les toxiques naturellement présents - la question des conséquences économiques pour une dans les aliments partie des filières agroalimentaires est un problème Le fait que certaines plantes ou animaux soient classés comme socialement délicat à gérer, comme l’attestent les crises toxiques et donc non comestibles est connu de longue date. Il sanitaires récentes. Il s’ajoute la question des niveaux de arrive toujours cependant des accidents plus ou moins graves sécurité différents mis en place par les pays, dont l’acui- par empoisonnement accidentel ou volontaire : les champi- té s’accroît avec la mondialisation. La règle de l’organisa- gnons viennent en tête dans nos pays ; ailleurs, il peut s’agir par tion mondiale du commerce (OMC) est qu’on ne peut exemple de neurotoxines de certains poissons ou coquillages s’opposer à la libre circulation des produits qu’en prou- tropicaux. vant leur danger pour la santé, la charge de la preuve De nombreuses crucifères (chou, navet...) contiennent des thio- étant pour celui qui s’oppose. Il faut aussi prendre en glycosides qui ont une action goitrigène. Les graines de plu- sieurs végétaux contiennent des glycosides cyanogénétiques compte le coût des analyses, parfois hors de proportion (libérant de l’acide cyanhydrique) : amande, pêche, abricot. Les avec la valeur marchande des produits ; alcools obtenus à partir de ces fruits peuvent ainsi être riches en - le recul des limites de détection par les moyens analy- acide cyanhydrique. tiques modernes rend encore plus omniprésente la sen- Les amines actives (histamine, tyramine, tryptamine, séroto- sation de danger : quand les analyses détectent des nine, épinéphrine) sont rencontrées dans de nombreux ali- teneurs de l’ordre de la picogramme (10-12) ou de la fem- ments : banane, tomate, choucroute, fromages fermentés, vins, togramme (10-15), il est certain qu’on peut retrouver de etc. Le système intestinal se défend bien, mais peut être débor- tout dans tous les aliments. Avec la notion de seuil de dé, par excès d’apport, inflammation associée facilitant l’ab- considération toxicologique, cette remarque illustre la sorption, traitement aux IMAO. Les épices et aromates contien- différence qu’il faut impérativement faire entre danger et nent de nombreuses substances que seule une faible consommation peut faire considérer comme alimentaires. risque : le danger étant défini comme ce qui peut, éven- Certains composés peuvent avoir des effets défavorables en tuellement, nuire à la santé humaine, les dangers sont complexant des éléments utiles (facteurs anti-nutritionnels) : omniprésents et innombrables ; mais il n’y a risque réel inhibiteurs d’enzymes digestifs (soja, œuf) ; lectines, surtout pour la santé humaine qui si l’exposition à ces dangers dans les légumineuses crues, se liant aux chaînes glycanniques dépasse un certain seuil, quant à la dose et/ou au des glycoprotéines et pouvant créer des lésions intestinales ; nombre de personnes concernées et/ou à la durée d’ex- phytates (hexaphosphoinositols) abondant dans les céréales et position. Pour les nutritionnistes, les risques les plus complexant le fer, le zinc et le calcium, mais ne posant pas de grands pour la santé humaine sont davantage liés aux problèmes dans une alimentation suffisamment diversifiée ; déséquilibres trop fréquent de l’alimentation globale antivitamines, agissant par complexation (avidine du blanc qu’aux traces infimes des multiples composés que l’on d’œuf et biotine, antiniacine du maïs) ou par destruction enzy- matique (thiaminase de la carpe, des huîtres et des moules ; sait maintenant détecter (ce qui ne veut pas dire qu’il ne ascorbate oxydase de nombreux végétaux). Les facteurs antinu- faut pas faire une analyse soigneuse de ces dangers et tritionnels de nature protéique et certains hétérosides sont heu- des risques éventuels qu’ils présentent !). reusement le plus souvent inactivés par une cuisson appropriée. Les végétaux synthétisent de très nombreuses molécules, que nous ingérons plus ou moins régulièrement et en quantités plus Points essentiels à retenir ou moins grandes, mais dont les effets sont généralement inconnus. Regardées comme inoffensives, certaines de ces ➤ Si l’amélioration des connaissances indique que les molécules révéleraient peut-être des actions surprenantes, favorables ou défavorables, si elles étaient testées comme des dangers sont innombrables et omniprésents, les additifs alimentaires. risques réels pour la santé publique et individuelle Ainsi, les phyto-œstrogènes sont des isoflavonoïdes dont la concernent un nombre relativement restreint de molé- structure spatiale positionne deux fonctions hydroxyles dans cule et, globalement, l’alimentation est, sans commu- des positions voisines de celles rencontrées dans l’œstradiol : ils ne mesure, moins dangereuse que l’utilisation de peuvent se fixer aux récepteurs des œstrogènes et présenter toxiques socialement acceptés comme le tabac et l’al- des effets œstrogéniques faibles. On attribue à ceux qui sont cool. abondants dans le soja (génistéine, présentant in vitro un fort ➤ Pour la plupart de ces risques, la gestion est effec- pouvoir inhibiteur de l’angiogenèse tumorale et daïdzéine) des tuée très en amont et le consommateur n’a pratique- effets protecteurs (maladies cardio-vasculaires, cancer) chez les Asiatiques. Là encore, avant de pousser à la supplémentation, ment aucun rôle (d’où l’impression de subir qui parti- il faudrait en savoir plus : éventuellement utiles chez les femmes cipe à la genèse des crises sanitaires). Cependant, ménopausées, les phyto-œstrogènes pourraient se conduire l’ensemble de ses choix de vie, individuel et collectif, chez les autres groupes de population comme des perturba- a un retentissement sur le type de société qu’il désire teurs endocriniens, avec des effets sur la croissance ou la ferti- et les conséquences logiques du type de société lité masculine encore mal évalués. Ils commencent à être choisi. contrôlés dans les aliments infantiles. Cah. Nutr. Diét., 36, hors série 1, 2001 2S28
  13. Risques liés à l’alimentation Les saponines sont présentes dans la plupart des végétaux. Ce hépatiques, elles sont très surveillées dans l’alimentation pour sont des hétérosides dont l’aglycone est une molécule triterpè- bétail. Un taux de 15 µg/kg de nourriture suffit à induire des noïde en général, souvent de nature stéroïde. En plus de pro- hépatocarcinomes chez le rat. Leur caractère hépatotoxique, priétés détergentes et complexantes du cholestérol, ces déri- immunotoxique, tératogène et cancérigène est reconnu chez vés pourraient avoir des propriétés variées encore à expertiser : l’animal ; ce sont les seules mycotoxines reconnues comme can- de type alcaloïde (analogue à la solanine de la pomme de cérigènes chez l’homme par le CIRC (Centre International de terre), de type cardiotonique (analogue à la digitonine) ou de Recherches sur le Cancer). Pour l’aflatoxine B1 (AFB1), les type œstrogénique. doses limites pour l’homme (DJT) sont 0,15 ng/kg/j. Les études Enfin, même des composés tout à fait banals pourraient avoir d’exposition montrent que ces valeurs sont nettement dépas- des effets : un certain nombre d’acides aminés courants (aspar- sées en France comme ailleurs. Le blé et le maïs étant à l’origi- tate, glutamate) ainsi que certains analogues ou dérivés pour- ne de 90 % de l’apport, les limites actuellement admises raient se comporter comme des “excito-toxines” et présenter devraient être abaissées à 2 µg/kg de produit (1 µg pour les à long terme des effets délétères sur le système nerveux. produits pour enfants) et à 0,05 µg/kg pour la M1 (0,03 pour les produits pour enfants). Les contaminants naturels : mycotoxines Toxines néphrotropes Les mycotoxines sont sécrétées par des moisissures qui se déve- loppent au cours de stockage défectueux de nombreux produits Elles sont essentiellement représentées par les ochratoxines. alimentaires, notamment les fruits et les céréales. Elles contami- Elles ont été rendues responsables de la néphropathie endé- neraient plus du quart de la production végétale mondiale, mique des Balkans, sans doute en association avec d’autres notamment dans les pays en voie de développement. La plus déficits (vitamine C, sélénium). L’exposition de la population en connue est l’aflatoxine, mise en évidence dans les tourteaux France semble actuellement inférieure aux limites toxicolo- d’arachide destinés à la consommation animale (100 000 dindons giques. Sur plusieurs espèces d’animaux de laboratoire, elle a tués en Grande-Bretagne en 1960). La contamination humaine est les mêmes effets immunotoxiques, tératogènes et cancéri- exceptionnelle, car elle est détruite par le raffinage des huiles. gènes que les aflatoxines. Cependant, cet accident a relancé la recherche sur ces toxines, qui sont très nombreuses et se classent du point de vue médical Autres toxines en plusieurs groupes, selon la symptomatologie dominante. Les fumonisines sont produites par des champignons de type La place réelle de ces toxines est surtout grande en alimenta- Fusaria se développant sur de nombreuses céréales. Les fumo- tion animale. Mais l’allongement de la chaîne alimentaire, les nisines de différents types provoquent des troubles très variés stockages de plus en plus prolongés (céréales) amènent à sur- chez les animaux. A fortes concentrations, elles ont conduit veiller leur présence éventuelle en alimentation humaine. On en chez l’homme (en Inde) à des diarrhées et vomissements. Ce a même mis en évidence (à doses non dangereuses) dans les risque est tout à fait improbable en France. Cependant, leur tisanes (des moisissures se développent lors du séchage des implication dans les cancers de l’œsophage et du foie conduit plantes). à les surveiller, d’autant plus que l’exposition en France est Outre les contrôles par un plan de surveillance pour éliminer les supérieure à la DJT. La limite pourrait être fixée à 3 mg/kg de lots contaminés et la décontamination éventuelle (difficile et produit, avec un objectif, à terme, de 1 mg/kg. non faisable pour l’alimentation humaine), c’est essentiellement La zéaralénone, ou toxine F2, a un effet œstrogénique puissant la prévention qui devrait être améliorée par des pratiques agri- et est génotoxique. Produite également par le genre Fusarium, coles, de transport et de stockage de bonne qualité. elle aurait provoqué des « épidémies » de puberté précoce et de gynécomastie à Porto-Rico. L’association avec le cancer de Toxines neurotropes l’œsophage en Chine et en Afrique du Sud a également été La patuline, sécrétée par des penicillium, a des propriétés anti- proposée. Les valeurs d’exposition en France, bien que peu biotiques, mais elle a été vite abandonnée dans cette indication fournies, semblent inférieures à la dose virtuellement sûre cal- à cause de sa toxicité. Elle est trouvée dans les céréales, les fro- culée à partir des effets sur la reproduction chez le singe. mages et les fruits, surtout les pommes, au niveau des zones moisies. Les jus de fruits, souvent réalisés avec des fruits de Les phycotoxines 2° choix, peuvent ainsi être contaminés, beaucoup plus que les Les organismes marins et notamment les mollusques et confitures pour lesquelles la cuisson joue un rôle protecteur. Les coquillages se nourrissent de planctons et micro-algues et peu- concentrations dans les aliments sont en général insuffisantes vent concentrer les toxiques produits pas ces micro-orga- pour donner des troubles aigus, mais l’intoxication chronique nismes : toxine paralysante (PSP limite à 80 µg/100 g de chair) ; , peut associer des troubles nerveux (action anti-acétylcholines- toxine diarrhéique (DSP ; doit être absente) ; toxine amnésiante térase), une lymphopénie ; elle est cancérogène chez l’animal. (ASP ou acide domoïque, limite à 20 µg/g de chair). La prolifé- La contamination des jus de pomme conduirait à dépasser la ration de ces micro-organismes, dans certaines conditions cli- dose journalière tolérable (DJT) chez les enfants : sur ces bases, matiques ou de pollution (marées vertes, rouges...) peut accroî- la dose limite dans les jus a été fixée à 25 µg/l. tre considérablement ces risques. Toxines hématotropes Nitrites et nitrates Les trichothécènes sont omniprésentes dans les produits ali- mentaires, mais en concentrations très faibles. Ce sont des L’acide nitrique E250 et son dérivé le plus utilisé, le nitrite de composés de la classe des sesquiterpènes, avec un squelette sodium (sous forme de sel nitrité à 0,6 % pour éviter les erreurs tétracyclique. Elles donnent parfois des intoxications aiguës de dosage) est autorisé en charcuterie. A l’étranger, on l’utilise dans les troupeaux, mais le plus souvent des intoxications pour prévenir la formation des grosses bulles dans les fromages chroniques, avec hémorragies, perte de poids, vomissements. à pâte cuite (tels que par exemple le fromage de Hollande). Elles ont également des propriétés mutagènes et cancéri- Comme additifs, les nitrites présentent un triple intérêt, actuel- gènes ; ayant un rôle aplasiant médullaire, elles se comportent lement irremplaçable : également comme des immunosuppresseurs. Elles sont mal- - action anti-microbienne, particulièrement sur le clostridium heureusement thermostables. botulinum et les staphylocoques toxinogènes ; - action sur la flaveur : les nitrites exaltent l’arôme des produits Toxines hépatotropes charcutiers ; mais le maximum de cet effet est atteint pour des Elles sont principalement représentées par les aflatoxines, dont doses trois fois inférieures aux doses actuellement autorisées et la structure dérive de la coumarine : il existe plusieurs isomères qui vont sans doute être réduites (150 mg/kg de produit fini, ou et métabolites toxiques (B1, M...). Responsables de nécroses 50 mg/kg pour les produits destinés à l’enfant) ; Cah. Nutr. Diét., 36, hors série 1, 2001 2S29
  14. Risques liés à l’alimentation - action sur la couleur : par combinaison avec la myoglobine, ils thon blanc peut concentrer jusqu’à 10 000 fois le mercure de forment des produits stables, rose-rouge. Ils s’opposent donc l’eau environnante sous cette forme sans être incommodé. La au brunissement non enzymatique des viandes. norme OMS est de 0,03 à 0,1 ppm (partie par millions, soit µg/g) selon les aliments, mais en pratique pour le poisson, les chiffres Les nitrates, moins utilisés comme additifs, sont facilement retenus sont de 0,5 ppm, sous peine de ne plus manger de réduits en nitrites par de nombreux micro-organismes (par poissons. La consommation de mercure en France, estimée par exemple de la salive et du tube digestif). Le problème de ces le croisement des fréquences de consommation des aliments et dérivés azotés est en fait très général et complexe : du contenu de ceux-ci en mercure, serait de l’ordre de - certains végétaux, notamment les légumes, accumulent spon- 100 µg/semaine et serait en augmentation de 45 % depuis 1975 : tanément les nitrates (dans l’ordre décroissant : betteraves cela est dû au suivi des conseils des nutritionnistes..., puisque rouges, bettes, céleri, radis, laitues), de telle sorte qu’une ali- 30 % de cette exposition provient des produits de la mer, juste mentation riche en légumes peut être responsable de 80 % des au-dessus des fruits et légumes. Cependant, la dose hebdoma- nitrates absorbés, allant même jusqu’à un dépassement net des daire tolérable, DHT, a été fixée par l’OMS à 300 µg/semaine de DJA chez les végétariens. Mais tous les végétaux qui ne peu- mercure total (dont au maximum 200 de mercure méthylé). vent fixer directement l’azote atmosphérique ont besoin de La teneur du tissu nerveux central est assez parallèle à celle nitrates pour leur croissance ; qu’on peut mesurer dans les cheveux. Une glycoprotéine de - une autre source de nitrate est l’eau : si 80 % de la population forte affinité pour le mercure a récemment été purifiée dans le consomme une eau dont la teneur en nitrate est inférieure à la tissu nerveux. A la longue, comme l’a montré l’exemple de moitié de la dose maximale admise, 2 % de la population ingère Minamata au Japon, le mercure entraîne cécité, surdité, mou- une quantité supérieure à cette dose (50 mg/l). La teneur en vements désordonnés, troubles mentaux, pouvant aboutir à la nitrate augmente régulièrement, et le problème s’aggrave lors mort du sujet. Il traverse le placenta. D’un point de vue biochi- des sécheresses. Ceci s’explique en grande partie par des pra- mique, il a une action sur le matériel génétique de la cellule et tiques agricoles (engrais azotés). sur les enzymes ou molécules possédant des thiols dans leur Les deux ions, nitrite et nitrate, sont facilement absorbés par le site actif. Le fœtus et l’enfant sont beaucoup plus sensibles au tube digestif et très rapidement excrétés dans les urines, si bien mercure, qui pourrait conduire à des anomalies de développe- que les taux sanguins sont très faibles ; ils ne passent pas dans ment neurologique : des retards psychomoteurs pourraient le lait, mais traversent le placenta. En dehors de la methémo- apparaître dès le seuil de 10 mg/g mesuré dans les cheveux globinémie, la toxicité des nitrates est considérée à l’heure maternels. actuelle comme pratiquement nulle pour l’homme par les dif- Les gros consommateurs de poisson des régions côtières fran- férents comités scientifiques internationaux et européens. çaises peuvent dépasser les DHT. Les poissons étant très divers Cependant, la question de leur contribution aux déséquilibres dans leur capacité de stockage du mercure, il est conseillé de des écosystèmes aquatiques demeure et il paraît utile de varier les espèces consommées. conserver la norme actuelle pour l’eau, comme indicateur simple de pollution. L’ion nitrite peut se comporter comme un oxydant ou un réduc- Le plomb teur. Dans la methémoglobinémie, surtout grave chez le nour- Le plomb est normalement peu abondant dans les aliments, risson, le nitrite se réduit en faisant passer l’hémoglobine de sauf en cas de tuyauteries en plomb ou de matériels de cuisine l’état Fe++ à l’état Fe+++ incapable de fixer l’oxygène. La for- particuliers, ainsi qu’en atmosphère très polluée. Les rejets de mation des nitrites à partir des nitrates est favorisée chez le plomb dans l’atmosphère ont été estimés pour le monde entier nourrisson par le pH de l’estomac, l’immaturité de la methé- à 450 000 tonnes par en 1990, mais l’exposition au plomb a moglobine réductase ou une infection entérale intercurrente. Si diminué notablement au cours de la dernière décennie. Le 20 % de l’hémoglobine est touchée, on observe cyanose, plomb tétraéthyl utilisé comme antidétonant dans l’essence anoxie, asthénie, tachycardie, céphalées. Le traitement fait n’est retrouvé qu’à l’état de trace dans les aliments (ng/kg). Par appel à la vitamine C à haute dose ou à l’oxygène hyperbare. contre, on retrouve du plomb complexé à des polyosides (en En fait, ce syndrome semble apparaître surtout quand une peti- même temps que le baryum ou le strontium), qui présente une te prolifération bactérienne a eu le temps de se développer faible biodisponibilité et donc une faible toxicité. Cette forme dans la préparation lactée et a permis de transformer les est également retrouvée dans les vins. nitrates en nitrites avant l’ingestion même. Le Français absorbe en moyenne 470 µg/semaine, pour une Les autres actions, à plus long terme, sont plus diffuses, davanta- DHT de 1 500 µg/semaine. La plus grande partie de ce plomb ge soupçonnées par extrapolation de situations expérimentales est apportée par les légumes et les fruits (50 %), le vin, le pain que réellement démontrées : effet anti-thyroïdien, effet sur le et les pommes de terre ; les teneurs les plus fortes sont trou- comportement, la reproduction, troubles vasomoteurs, hyper- vées dans le champignon de Paris et le céleri. Le plomb est res- tension (corrélation épidémiologique), diminution de la mise en ponsable de coliques, de polynévrites, d’encéphalopathies réserve hépatique de la vitamine A, destruction possible des vita- avec délire et convulsions pouvant aboutir à la mort. La plom- mines B1 et E, responsabilité dans les allergies alimentaires (par bémie est normalement inférieure à 0,4 ppm, la plomburie à altération de la perméabilité intestinale aux trophallergènes ?). 0,08 ppm. L’augmentation de l’acide delta amino-lévulinique Les nitrites peuvent se transformer en nitrosamines par combi- ou ALA (précurseur de la biosynthèse de l’hème) est un indica- naison avec des amines (acides aminés, par exemple). Ces nitro- teur précoce d’exposition au plomb, de même que l’activité samines sont, pour la plupart d’entre elles, cancérigènes chez le érythrocytaire de l’ALA-déshydratase. L’enfant est particulière- rat : se comportant comme des agents alkylants, elles sont utili- ment sensible au plomb, qui pourrait être responsable de sées dans les modèles expérimentaux de carcinogénèse. Les retards de développements de l’intelligence. Les intoxications hautes doses de nitrosamines contenues dans la nourriture, stoc- professionnelles au plomb sont faciles à retrouver et sont kée dans des conditions défectueuses chez certaines populations d’ailleurs surveillées et prévenues. Les intoxications non profes- bien particulières, ont effectivement été corrélées avec un risque sionnelles exigent au contraire des enquêtes très minutieuses. plus élevé de cancer. Cependant, le risque réel chez l’homme Les dosages évoqués ci-dessus ont alors une grande valeur n’est pas démontré dans les conditions alimentaires et sanitaires d’orientation. La limite tolérée actuellement (25 µg/l dans le occidentales normales et n’est plus admis à l’heure actuelle. sang du cordon) pourrait être supérieure en fait à celle qui donne des retards intellectuels. Les métaux lourds Le mercure Le cadmium et l’arsenic Le mercure est très toxique par inhalation ou ingestion. Dans la Le rein constitue l’une des cibles principales du cadmium qui nature, il se transforme en dérivés méthyl-mercuriels (méthyl- donne une néphropathie irréversible avec insuffisance rénale, mercure et surtout diméthyl mercure, encore plus toxique) : le parfois accompagnée d’ostéomalacie et ostéoporose. Il aug- Cah. Nutr. Diét., 36, hors série 1, 2001 2S30
  15. Risques liés à l’alimentation mente la pression artérielle. Aucun lien formel avec la survenue principaux isomères et en appliquant à chacun un facteur de toxicité (TEF, toxic equivalent factor) par rapport au plus dange- de cancer n’a pu être mis en évidence. Le cadmium entre en reux, le 2,3,7,8 TCDD (tétrachloro-dibenzodioxine ou dioxine de compétition avec le zinc, dont un apport suffisant peut limiter Seveso). Ces facteurs sont difficiles à établir dans la mesure où la toxicité du cadmium. L’apport hebdomadaire moyen serait la sensibilité des différentes espèces de laboratoire à ces diffé- de l’ordre de 30 µg/j pour une DJT de 1 µg/kg/j (fixée en 1972 rents produits varie de 1 à 200. La norme retenue par l’OMS est et qui pourrait être abaissée), laissant une marge de sécurité de 1 à 4 pg TEQ/kg de poids corporel et par jour. Les résultats très étroite. L’aliment le plus riche en cadmium est le foie de des plans de surveillance dans les aliments réalisés en France en cheval, mais la spéciation et donc la toxicité réelle commence 1997 et 1998 ont permis de calculer, à partir des consommations juste à faire l’objet d’études. alimentaires des Français, une exposition moyenne et au 95° per- L’arsenic, dont la toxicité est bien connue, est abondant dans centile de 1,3 et 2,8 pg TEQ/kg/j (ne prenant pas en compte, certains produits de la mer, mais il est présent sous forme d’ar- faute de données, les PCB dioxine-like). Alors que les PCB peu- sénobétaïne inoffensive (analogue structural de la choline où vent être métabolisés dans l’organisme s’ils ont moins de l’arsenic remplace l’atome d’azote), alors que les oxydes pré- 4 chlores, les dioxines ne sont pas métabolisées par l’organisme. sents dans certaines eaux contaminées sont très toxiques. Les valeurs actuellement trouvées dans les aliments pour tous ces produits de structure voisine sont généralement inférieures L’aluminium aux normes tolérées par l’OMS ou l’Afssa, mais ils s’accumulent L’aluminium se trouve à raison de 10 à 100 mg dans la ration ali- dans l’organisme (8 mg/kg de tissu adipeux en France contre 1 mentaire quotidienne. La survenue d’encéphalopathies rappor- au Canada). Les PCB ont donné lieu à une vaste intoxication tées à ce métal chez les dialysés, la corrélation (ténue) entre collective au Japon en 68 (15 000 sujets atteints) : pigmentation Alzheimer et teneur de l’eau en aluminium en Angleterre, la dif- de la peau et des ongles, acné sévère, larmoiement, etc. 15 ans fusion considérable des emballages en aluminium : tout ceci après, on retrouve un excès de morbidité dans cette population amène à réévaluer ce métal. Dans l’hippocampe de sujets exposée par rapport à une population témoin appariée. atteints de maladie d’Alzheimer, on a trouvé une augmentation En France, la crise dioxine de juin 99 semblerait être liée à la de la quantité d’aluminium et de silice et une diminution de la contamination accidentelle par une trentaine de kg de pyralè- quantité de zinc et de sélénium. Ce remplacement de métaux ne d’un lot de 56 tonnes de graisses recyclées par un fabricant par d’autres pourrait être en partie responsable des troubles de hollandais d’ingrédients pour aliments pour animaux. Cet acci- mémoire observés dans la maladie. Cette suspicion sur l’alumi- dent, qui a eu des répercussions médiatiques et économiques, nium a conduit récemment le CSHPF à proposer des études sur mais pas de répercussions sur la santé publique, a reposé avec les consommateurs réguliers de pansements gastriques à base acuité le problème de l’alimentation animale, ainsi que la sécu- d’hydroxyde d’aluminium. rité des circuits de recyclage et de valorisation de nombreux sous ou coproduits. La course aux prix les plus bas ne peut que favoriser ce genre de dérive : la sécurité alimentaire a forcé- Les polychlorobiphényles (PCB) et les dioxines ment un coût. Les PCB ont été très utilisés dans les industries électriques, les peintures et les encres. De par leurs propriétés physiques Les biocides (fluides isolants), des mélanges de PCB, connus sous le nom de Les biocides ont beaucoup contribué aux augmentations de la pyralènes, étaient largement utilisés dans les transformateurs productivité agricole ; mais les inconvénients sont graves : électriques ou les condensateurs. Interdits dans les solvants et - du point de vue agricole : l’apparition de résistances entraîne les enduits, ils gardaient quelques applications privilégiées dans une augmentation des doses sans augmentation parallèle de la certaines installations en systèmes clos à cause de leur faible productivité ; inflammabilité. Ils sont maintenant totalement interdits depuis - du point de vue sanitaire : ces produits présentent souvent le début des années 80, mais il persiste de nombreux appareils une importante rémanence dans le sol ; ils s’accumulent dans en contenant et des stocks coûteux à détruire. les graisses et se concentrent dans les organismes au fur et à Les PCB représentent une famille de molécules (congénères) mesure qu’on remonte dans la chaîne des espèces. De plus, possédant deux cycles aromatiques liés entre eux et des certains pesticides se lient de manière très forte à des pro- atomes de chlore en position et en nombre variable. Selon la téines, par exemple dans le lait, et deviennent difficilement position des atomes de chlore, les deux cycles peuvent se trou- détectables aux méthodes classiques de dosage tout en gar- ver dans un même plan (PCB coplanaires) ; les composés di- dant leur toxicité. orthosubstitués par du chlore ne peuvent pas adopter une Les organo-chlorés (HCH, DDT) et les organo-phosphorés structure plane (PCB non coplanaires). Leur action propre est (parathion, malathion) sont parmi les produits les plus contro- mal connue mais certaine (cancérogénèse, action sur la peau, versés. Ces deux classes sont responsables de troubles neuro- les yeux, le foie). Les PCB coplanaires ont des propriétés bio- logiques (polynévrites et troubles centraux) ainsi que de chimiques et toxicologiues voisines de celles des dioxines. Les troubles hémato-poïétiques. Le syndrome aigu, souvent de PCB non coplanaires, selon des études récentes, pourraient type cholinergique (action anti-acétylcholinestérase) peut être avoir des actions néfastes sur le métabolisme des hormones contré par atropine ou des restaurateurs de l’activité de l’enzy- thyroïdiennes et des œstrogènes ainsi que sur le système ner- me (pralidoxime ou diazepam). Les intoxications les plus graves veux. La dose journalière tolérable est actuellement fixée à se voient chez les utilisateurs professionnels et sont du ressort 5 µg/kg/j, mais pourrait être revue à la baisse en fonction des de la médecine du travail. Cette utilisation pourrait en outre données scientifiques nouvelles. expliquer une surmortalité de la population agricole pour cer- Lors de la synthèse des PCB, des dioxines sont obligatoirement tains cancers (vessie, pancréas, rein, cerveau) alors qu’il existe formées, dont le taux est augmenté au cours de l’utilisation de une sous-mortalité par rapport aux citadins pour de nombreux ces produits. La combustion des PCB entraîne la formation de autres cancers. PCDF (polychlorodibenzofuranes). Des produits de ce type sont Les rapports alarmants de l’agence américaine de la protection également produits lors de l’incinération des déchets urbains. de l’environnement (EPA, mai 87, janvier 89) estiment qu’au Les laits les plus contaminés proviennent d’élevages proches cours des 70 prochaines années, plus d’un million d’Américains d’incinérateurs urbains. Les conséquences en termes de santé mourront du fait de la présence de 28 pesticides cancérigènes publique des contaminations trouvées (2 à 3 pg TEQ/l au maxi- dans l’alimentation, l’eau et les brouillards. 12 pesticides sur les mum) sont inconnues, d’où des mesures de précaution. Les 28 seraient responsables de 98 % des risques : manèbe, béno- dioxines présentent plus de deux cents isomères (75 PCDD myl, folpel, captafol, captane, zinèbe, chlordimeform, linuron, (polychlorodibenzo-dioxines) et 135 PCDF (polychlorodibenzo- permethrine. Cependant, la teneur en pesticide de nos ali- furanes)) et sont très difficiles à analyser et à doser. Cette varié- ments a considérablement chuté au cours de la dernière décen- té de structures de toxicité différente explique l’expression en nie, jusqu’à être indétectable dans de nombreux cas, y compris équivalents toxiques (TEQ), obtenus en dosant l’ensemble des Cah. Nutr. Diét., 36, hors série 1, 2001 2S31
  16. Risques liés à l’alimentation dans les produits issus de l’agriculture traditionnelle. Comme le qu’un problème de santé publique, mais les enjeux écono- suggère l’expérimentation animale, il n’est pas du tout certains miques à l’arrière-plan sont considérables : en attendant une que ces taux résiduels, y compris des biocides en mélange, meilleure définition de l’utilisation de la science dans les négo- aient un quelconque effet sur la santé : pour les nutritionnistes ciations internationales (discussion en cours au Codex Ali- américains, en tout cas, c’est un problème mineur par rapport mentarius), tous les moyens sont bons dans cette « guerre » aux 50 % d’obèses de la population américaine... ! économique... Les résidus médicamenteux Les composés toxiques néoformés Tout additif à l’alimentation animale est réglementé, comme Si les traitements culinaires, surtout la cuisson, présentent des dans le cas de l’alimentation humaine. Le médicament vétéri- effets bénéfiques, tant au point de vue nutritionnel (augmenta- naire est géré par l’Agence Nationale du Médicament vétéri- tion de la digestibilité de l’amidon et des protéines) qu’au point naire, intégrée au sein de l’AFSSA. A la différence du médica- de vue toxicologique (destruction des germes et de nombreux ment humain, se pose le problème des résidus présents dans facteurs anti-nutritionnels), ils ont également des conséquences les viandes, pour lesquels des délais d’abattage sont prévus et défavorables à ces deux points de vue. Au point de vue nutri- des limites maximales fixées. L’intervention thérapeutique clas- tionnel, ils peuvent éliminer (lessivage des vitamines hydroso- sique laisse plus de résidus dans les aliments que les additifs ali- lubles dans l’eau de cuisson) ou détruire des éléments indis- mentaires médicamenteux apportés par l’alimentation animale. pensables. Au point de vue toxicologique, ils peuvent faire Deux classes de molécules posent des problèmes, les antibio- apparaître des composés nouveaux dont la toxicité à long tiques (autorisés) et les hormones et anabolisants (interdits). terme chez l’homme est mal évaluée, même si elle est parfois démontrée chez l’animal. Paradoxalement, selon certains Antibiotiques auteurs, les traitements industriels des aliments seraient Il existe trois utilisations des antibiotiques en élevage : comme meilleurs que les traitements domestiques, car plus judicieux et traitement classique des infections, sous responsabilité des mieux contrôlés. Ceci est vrai pour les techniques les plus vétérinaires, comme aliments médicamenteux et comme fac- anciennes (“thermiques”) et le devient pour les techniques plus teurs de croissance à faibles doses. Les quantités utilisées à récentes, développées en partie pour diminuer ces risques et l’heure actuelle dans ces trois cas ne sont pas connues. améliorer la qualité des aliments. Certaines des réactions L’utilisation des antibiotiques à faible dose a effectivement un décrites n’ont pu l’être que par l’étude de systèmes modèles effet sur la croissance, avec un gain de productivité de l’ordre simplifiés. La chimie réelle créée par le traitement des aliments de 5 %, mais également un effet sur la santé des animaux : les complexes est donc loin d’être entièrement connue. Pour sim- infections seraient moins nombreuses et moins graves dans les plifier encore, on peut ajouter que la flore intestinale intervient pays utilisant ces pratiques que dans les pays où elles sont inter- encore sur ces mélanges et qu’on ignore beaucoup de choses dites, tels que la Suède et le Danemark. Il s’ensuit une moindre sur les résultats terminaux. utilisation d’antibiotiques médicaments. Sous la pression des pays nordiques, une tendance européenne à l’interdiction des Protéines antibiotiques se dessine, avec pour conséquences de nouveaux Les réactions de Maillard sont très anciennement connues problèmes sanitaires. Le problème principal soulevé par cette (1912). Elles conduisent au brunissement non enzymatique pratique est qu’elle place dans des conditions théoriques (caramélisation, formation de mélanoïdines). Ce sont des réac- idéales pour sélectionner des souches résistantes voire multiré- tions complexes, ayant lieu spontanément à froid lors de l’en- sistantes aux antibiotiques (certains plasmides de multirésistan- treposage, mais qui sont accélérées par la chaleur. Les sulfites ce ont été retrouvés dans des souches de listeria sur des s’opposent à ce brunissement. Ces réactions ont lieu entre un croûtes de fromage), ce qui pourrait à terme poser des pro- sucre réducteur et une amine d’un acide aminé, souvent la lysi- blèmes de santé publique. Mais la situation n’est pas simple : ne ; par une suite de réarrangements, de condensations, de ces mécanismes de résistance ne sont pas toujours les mêmes polymérisations, de scissions, on obtient de très nombreux que ceux qu’on rencontre dans les bactéries pathogènes composés : des polymères bruns, responsables de colorations humaines et on ignore tout des possibilités éventuelles de (croûte du pain, biscuits...) ; des produits de scission, volatils et transmission de ces résistances des bactéries animales vers les odorants. Les effets sont favorables sur la couleur et l’arôme, bactéries pathogènes humaines. En fait, la cause majeure des défavorables pour la disponibilité en lysine (acide aminé sou- résistances aux antibiotiques en pathologie humaine paraît plu- vent limitant de la qualité nutritionnelle des protéines), l’appa- tôt à rechercher du côté d’un mauvais emploi des antibiotiques rition possible d’arômes indésirables et l’apparition de produits en thérapeutique humaine. Des efforts urgents sont à réaliser éventuellement toxiques à long terme, mais mal évalués. en ce domaine où aucune classe nouvelle d’antibiotique n’a été Le chauffage à feu vif (grillade) des protéines ou des acides découverte depuis 20 ans... nucléiques conduit à la formation de nombreux produits de pyrolyse, notamment des amines hétérocycliques très variées. Hormones Parmi celles-ci, les carbolines, dérivées du tryptophane, sont Les œstrogènes et les anabolisants constituent un problème actuellement très étudiées ; en dehors de ces conditions dras- complexe où les intérêts des consommateurs et des produc- tiques, le tryptophane est un acide aminé relativement stable. teurs s’opposent, aussi bien en ce qui concerne la qualité de la Les carbolines ont également une origine naturelle (bananes et viande qu’au point de vue de la santé. Cependant, pour le reines-claudes en sont très riches) ou apparaissent lors des pro- veau, il a été calculé qu’il faudrait ingérer plusieurs centaines de cessus fermentaires ou technologiques, notamment la cuisson kilos de viande pour absorber l’équivalent d’un comprimé et la carbonisation des viandes, le grillage des pains, la torré- contraceptif. Le problème est en outre compliqué par les diffi- faction du café (le robusta est plus riche en carbolines que l’ara- cultés d’analyse de substances très voisines des substances bica). Le risque toxique est mal apprécié ; on a décrit à doses naturellement présentes. élevées des actions sur les transports ioniques, sur les récep- L’utilisation des hormones en élevage est interdite dans l’Union teurs cellulaires (benzodiazépines, dopamine ou adrénaline), la européenne, ce qui est à l’origine d’un important contentieux cancérogénèse. Elles pourraient aussi avoir un rôle d’inhibition devant l’OMC avec les Américains qui les utilisent. Il est deman- enzymatique, de photosensibilisation, des propriétés hallucino- dé aux Européens de prouver scientifiquement qu’il y a un gènes, etc. risque pour la santé humaine à utiliser ces hormones (ce qui est Certains hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) muta- loin d’être évident) alors que les Américains n’ont pas à appor- gènes et cancérigènes sont très utilisés dans les modèles ani- ter de justification scientifique à leur utilisation (il n’y en a pas maux de cancérogénèse, tels le benzo(a)pyrène. Ils sont formés d’ailleurs, en dehors de la rentabilité économique...). Ce débat lors de la cuisson des viandes ou les procédures de fumage du est davantage un problème de choc de cultures différentes poisson. Mais ils existent à l’état naturel dans les légumes, les Cah. Nutr. Diét., 36, hors série 1, 2001 2S32
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