Báo cáo khoa học: "Effet des facteurs physiques de l’environnement sur les premiers stades de la régénération naturelle du sapin pectiné (Abies alba Mill) dans certaines stations du Jura"
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- Article original Effet des facteurs physiques de l’environnement sur les premiers stades de la régénération naturelle du sapin pectiné (Abies alba Mill) dans certaines stations du Jura BS Tan S Bruckert Université de Franche-Comté, laboratoire de pédologie, place Leclerc, 25030 Besançon cedex, France 10 décembre (Reçu le 9 juillet 1991; accepté le 1991 ) Résumé — Les premières phases de la régénération du sapin ont été analysées en étudiant la ger- mination et le comportement des semis dans des expériences menées à la fois au champ en envi- ronnement naturel et au laboratoire en conditions contrôlées. Pour atteindre ces objectifs, le vaste domaine karstique du Jura a constitué un milieu modèle de choix parce que des stations forestières typiques sont observées côte-à-côte, avec des niveaux de régénération, soit très élevés, soit très bas. L’absence de géotropisme à la germination détermine à la fois la morphologie «en crosse» ob- servée sur les semis naturels et le comportement ultérieur des semis. Les radicules qui rampent sur le substrat sans s’y implanter, rendent les semis très sensibles aux agents physiques, parmi les- quels les orages et les ensoleillements printaniers sont les plus efficaces pour entraîner des lésions et la dessiccation des semis. Le bilan de la régénération apparaît significativement modulé par l’hu- midité relative et la température de l’air, l’ensoleillement pendant le mois qui suit la germination, puis par le pédoclimat pendant les mois chauds qui agissent sur les semis mal enracinés. In vitro, il est démontré que l’humidité de l’air constitue le facteur qui détermine la survie des semis (premiers stades de développement) et que l’humidité du sol constitue le facteur qui détermine le développe- ment racinaire et la résistance des plantules à des stress hydriques. hydrique 1 humidité de régénération naturelle / Abies alba / enracinement des semis 1 stress l’air 1 pédoclimat 1 Jura Summary — Effect of physical environmental factors on the initial stages of the natural re- generation of fir (Abies alba) at some sites in the Jura. The early stages of fir regeneration were analysed in order to study the germination and the seedling behaviour in the field and in the green- house. The large karstic area of the Jura offers typical forest sites with high regeneration levels adja- cent to those with low regeneration levels (fig 1). The lack of geotropism which is observed on seed germination induces the "grip" morphology of natural seedlings and their subsequent behaviour. The primary root extends over the substrate without penetrating it, and so appears to be susceptible to physical factors such as rain storms and insolation which damage and dry out the seedlings (tables IV and V). The regeneration balance was found to be significantly influenced by air humidity, air temperature and insolation during the first month following germination and later by the soil environ-
- during the hot periods which could result in elimination of superficially rooted seedlings (fig 2). ment Laboratory measurements (fig 3) showed that air humidity was the determinant factor in seedling sur- vival and soil humidity the parameter influencing root growth and resistance to moisture stress. humidity / soil en- natural regeneration / Abies alba / seedling rooting / moisture stress / air vironment / Jura même inféodé aux faciès des roches cal- INTRODUCTION caires (Gaiffe et Bruckert, 1991).En posi- tion de dépression, les sols profonds et Les difficultés de régénération du sapin bien drainés sont, selon les stations, boi- alba Mill) qui affectent l’en- pectiné (Abies sés ou non. Certaines combes sont im- semble des massifs européens de propres à l’état boisé : elles accumulent moyenne montagne, ont fait l’objet de l’air froid et subissent de sévères gelées nombreuses recherches. Les facteurs im- en été (Tan, tardives, jusqu’à -10 °C, pliqués dans le phénomène seraient physi- 1983). En dehors de ces cas, la plupart ques (Gabellini et Screm, 1968; Ferrari et des dépressions karstiques ont été ou sont Wolf, 1970; Tan, 1987), chimiques (Rous- caractérisant par des boisées, les sols se seau, 1960; Vallée, 1967) et/ou biotiques, potentialités forestières élevées, mais la d’origine végétale (Brinar, 1971; Becker et régénération naturelle du sapin s’y produit Bennett, 1980; Becker et Drapier, 1984, de façon très inégale (Tan, 1988). On y 1985) ou animale (Badre, 1962; Wojnar, rencontre notamment deux stations dont 1970; Tan, 1987; Roques, 1988). Les les niveaux de régénération apparaissent chercheurs sont d’accord pour penser que diamétralement opposés : ce sont les ce sont des interactions entre diverses «fonds de dolines» caractérisés par leur in- causes possibles qui déterminent le ni- aptitude à la régénération et les «replats» veau de régénération. Néanmoins, les fac- remarqués au contraire pour leur aptitude teurs interviennent dans le milieu naturel à porter de jeunes sapins vigoureux. Dans de façon échelonnée dans le temps, et de tels sites, dont les sols de type colluvial ceux qui agissent en premier sont détermi- à mull mésotrophe sont identiques généti- nants. De là découle l’intérêt d’étudier les quement et physico-chimiquement, il était processus qui se déroulent pendant les prévisible que d’autres paramètres, premières phases de la régénération. Cet comme le microclimat et le pédoclimat, objectif a été visé dans le contexte des pouvaient contrôler la régénération. plateaux calcaires jurassiens parce qu’on y rencontre des modèles géomorphologi- C’est pourquoi, nos objectifs ont été de ques et stationnels qui influencent le bilan suivre in situ la germination des graines et de la régénération (Tan, 1988). Les pla- le comportement des semis dans l’envi- teaux se composent, à parts égales, de ronnement des stations étudiées, de me- surfaces tabulaires subhorizontales (posi- surer in situ les paramètres climatiques tion topographique sommitale de plateau stationnels des sites favorables ou non à proprement dit) et de dépressions karsti- la régénération, et d’analyser in vitro l’ac- ques (combes, ensemble de dolines), ré- tion des paramètres climatiques et pédo- parties régulièrement en alternance (Bruc- climatiques mis en cause et leurs effets kert et Gaiffe, 1980). En position le développement des plantules de sur sapin, par une expérimentation en condi- sommitale, la régénération semble dépen- lui- tions contrôlées. dante de l’environnement pédologique,
- MATÉRIEL MÉTHODES D’ÉTUDE sés par leur aptitude à l’altération pelliculaire ET (Bruckert et Gaiffe, 1980) et la karstification (Au- bert, 1969; Nicod, 1990). Les expériences portent plus particulière- Caractéristiques des stations ment sur 2 types de stations qui appartiennent dépressions karstiques qui s’opposent et aux par leur végétation et leur niveau de régénéra- Les sites expérimentaux ont été sélectionnés à tion naturelle du sapin (fig 1). Les stations de partir de l’étude de 128 stations (Tan, 1988) ré- parties dans la forêt domaniale de la Joux qui «fond de doline» forment des creux concaves à l’intérieur des dépressions karstiques. Leur sol occupe 135 km sur le plateau de Levier à une 2 est colonisé par une végétation dite «de hautes altitude d’environ 800 m. Cette forêt de la Joux, herbes» en été (Athyrium filix femina, Circea lu- une hêtraie-sapinière, comprend des futaies ou- tetiana, Senecio fuschii, Solidago virga-aurea) vertes de 100 ans et de 120-140 ans, la strate se trouve tapissé, en hiver et au printemps, et arborescente couvrant 70% de la surface au sol. par un lit de feuilles tassées par la neige. Les Les tiges se composent de sapins (80%), d’épi- fonds de doline sont caractérisés par une ab- céas (14%) et de feuillus (6%). Les arbres occu- sence de régénération naturelle et de végétation pent le terrain en laissant de larges vides dans arbustive. Ce ne sont cependant pas des sta- les dépressions karstiques. Phytosociologique- tions impropres à l’état boisé comme en té- ment, la forêt se rattache à l’Abieti-Fagetum ely- moigne le grand développement des sapins im- metosum avec des variantes fraîches, dans les plantés dans ces sites. Les stations de «replat» dépressions, à Primula elatior, Stellaria nemo- s’étendent en bordure des dépressions karsti- rum, Veronica montana, Circea lutetiana. ques. Elles sont recouvertes d’une végétation Le climat est de type tempéré très humide et arbustive abritant une strate muscinale (Rhyti- 1 700 mm de précipitations froid, avec diadelphus loreus), et sont caractérisées par un moyennes annuelles et 6 °C de température haut niveau de régénération. Dans les 2 sta- moyenne annuelle. L’évapotranspiration poten- tions, les sols sont brunifiés, lessivés, profonds tielle, selon Thornwaithe, étant de 579 mm, le et normalement drainés. Les matériaux miné- drainage climatique annuel est élevé. Cepen- raux, qui proviennent du résidu insoluble des dant, en été et en automne, la probabilité d’avoir calcaires locaux et d’apport de poussières éo- 3 séquences de 3 jours secs, ie avec moins de liennes (Pochon, 1978; Gaiffe et Bruckert, 1 mm de pluie par jour, dépasse 66% d’après la 1985), sont limono-argileux. L’horizon argilique Météorologie nationale de Besançon. et la position géomorphologique qui les caracté- Le substratum géologique est constitué es- risent, les classent parmi les sols bruns lessivés sentiellement par les calcaires blancs à pâte colluviaux (CPCS, 1967). Les analyses de 2 pé- fine du Bathonien (Jurassique moyen), caractéri- dons sont données dans le tableau I. Les hori-
- neiges, pluies orageuses. À chacune de A et E bruns YR 7/8 et 6/8), vi- jaunâtres (10 zons nos très poreux noté : le nombre de semis en- sont agrégats fins, limoneux, sites, en nous avons de nombreuses galeries, très prospectés racinés; le nombre de semis déplacés; le avec par des racines; les horizons Bt bruns (7,5 nombre de semis déracinés et abîmés; le 1-2 YR 5/6 et 5 YR 5/8), sont argilo-limoneux, polyé- nombre de semis disparus; le nombre de semis driques avec des argilanes. détériorés par les limaces ou d’autres phyto- phages (carrés sans cages de protection). Les expériences ont été répétées pendant 3 ans, de 1983 à 1986. Expérimentation in situ Trois stations de fond de doline et trois stations Expérimentations de replat ont été équipées d’un thermohygro- conditions contrôlées en graphe pour mesurer la température et l’humidi- té de l’air, sous abri, à 2 cm au-dessus du sol, d’une thermosonde pour mesurer la température Les expérimentations ont été conduites en serre des sols à -10 cm de profondeur, de tensio- à température constante de 20 °C avec un éclai- mètres pour suivre le potentiel hydrique à -10 rement correspondant à 20 W·m d’énergie in- -2 cm (3 répétitions par station), d’un pluviographe cidente dans la lumière visible pendant 12 h, installé dans une clairière proche pour détermi- fournie par un éclairage naturel indirect. Des ner les précipitations. Les stations étudiées ont graines de même poids et de même origine que des dimensions suffisamment grandes pour lais- dans l’expérimentation in situ, après avoir été ser les sites expérimentaux hors de l’ombrage placées à 4 °C pendant 4 semaines pour lever des peuplements. leur dormance, ont été mises à germer sur un Dans chaque station, des lots de 70 graines terreau sableux dont la composition est donnée sélectionnées ont été semés en automne sur au tableau II. Quand les radicules ont atteint 3 deux carrés permanents de 35 x 35 cm par sta- mm, les graines ont été partagées en 2 lots pour tion. Les graines, qui provenaient de la forêt de effectuer les expériences suivantes : la Joux, avaient un poids moyen de 40 10 g -3 (lot HI-82-400 de porte-graine d’âge moyen de 90 ans). Elles avaient été triées et débarrassées Expérience 1 de leur aile par traitement mécanique effectué à la sècherie de Joux. Les graines germées ont été disposées horizon- Une fois semées, les graines ont été proté- talement à la surface du terreau remplissant 4 gées contre l’attaque des rongeurs par des boîtes en plastique de 15 x 9,5 cm et de 5,5 cm cages grillagées (Godan, 1983). Durant tout de haut. Chaque boîte a reçu 8 graines ger- l’hiver, les graines ont été recouvertes par la mées. Le fond est percé de trous pour assurer neige. Au printemps, après la germination, les un drainage libre. Le terreau est arrosé de façon cages grillagées ont été enlevées sur la moitié à le ramener à la capacité au champ tous les 7 des carrés permanents. À partir des premiers jours; entre 2 arrosages, l’humidité s’est abais- jours de mai, nous avons effectué 2 observa- sée au plus à 50% de la réserve utile en eau. tions par semaine et visité les sites à l’occasion Deux boîtes ont été recouvertes par une cloche de chaque événement climatique : fonte des de façon à maintenir un environnement atmos-
- gueur des racines principales et secondaires. humide (traitement air saturé). Deux phérique Avec les 5 plantules restantes par traitement, boîtes ont été placées à une humidité relative l’expérience suivante a été réalisée : les pots de 30 à 40% (traitement air sec). arrosés; puis le terreau ayant été res- ont été L’expérience duré 21 jours au cours des- a suyé pendant 3 jours, les plantules ont été expo- quels, nous avons : 1 ) observé le mode de dé- sées au soleil pendant 2 h (650 W·m à la ), -2 veloppement de la radicule et de l’hypocotyle; 2) suite de cet ensoleillement, les plantules ont été déterminé le taux de survie des semis. placées en observation pour suivre leur compor- tement (retour à 20 W·m ). -2 Expérience 2 RÉSULTATS graines germées ont été plantées verticale- Les jusqu’au tiers de leur longueur dans le ter- ment reau remplissant 60 pots de terre cuite de 10 cm de diamètre sur 9 cm de haut. Chaque pot a Données climatiques in situ reçu une graine germée. L’humidité du terreau été amenée à la a ca- Les données microclimatiques et pédocli- pacité au champ et maintenue à cette valeur matiques observées de mai à septembre pendant 5 jours afin de permettre à la radicule d’entamer sa phase de croissance rapide. À 1986 sont présentées dans la figure 2. Les partir du 5 jour et jusqu’au 53 jour, l’humidité e e précipitations ont été : 1) abondantes en des substrats et l’hygroscopicité de l’air ont été mai et pendant les 2 premières décades réglées de façon à obtenir les traitements sui- de juin (phase humide avec 115 mm); 2) vants : 1) substrat à l’humidité équivalente et air intermittentes avec des périodes sèches saturé (10 répétitions); 2) substrat à l’humidité du 20 juin au 10 juillet; 3) rares du 10 juillet équivalente et air sec (20 répétitions); 3) sub- strat avec déficit hydrique et air saturé (10 répé- jusqu’à la deuxième décade d’août (phase titions); 4) substrat avec déficit hydrique et air sèche); 4) de nouveau abondantes en fin sec (20 répétitions). août et septembre (phase humide). Les Dans les traitements 1 et 2, le terreau a été températures se sont progressivement éle- ramené à la capacité au champ tous les 7 jours; vées de mai à juillet, puis se sont mainte- entre 2 arrosages, l’humidité s’est abaissée au nues à ce niveau pendant les mois d’août plus à 50% de la réserve utile. Dans les traite- et septembre (voir la température des ments 3 et 4, le terreau n’a été ramené à la ca- sols). pacité au champ que tous les 14 jours; entre 2 arrosages, l’humidité s’est abaissée jusqu’à une Pendant la première phase humide, les valeur proche du point de flétrissement. sols des deux stations ont conservé un po- À 53 jours, 10 plantules par traitement ont tentiel matriciel total bas, correspondant à été débarrassées du terreau par lavage, dans le celui de la capacité au champ : le pédocli- but de mesurer la longueur de la radicule. Avec mat est apparu semblable dans les deux les plantules restantes pour les traitements 2 et sols. Par contre, l’humidité relative et la 4, l’expérience a été poursuivie jusqu’à 365 température de l’air, mesurées à 2 cm du jours, ie au stade «système racinaire dévelop- sol sous abri, ont opposé les deux stations pé». Les radicules étant bien implantées, l’ali- mentation en eau des semis a été assurée par (moyennes statistiquement différentes à la l’intermédiaire de l’humidité des substrats (air probabilité de 0,05). Les fonds de doline, non saturé). Les traitements ont donc été rame- qui étaient sans végétation à cette époque, nés aux 2 protocoles suivants : substrat à l’hu- ont été à la fois plus secs (comparer les midité équivalente (10 plantules); substrat avec données minimales) et plus chauds (don- déficit hydrique (10 plantules). nées maximales) que les replats. Ces der- À 365 jours, 5 plantules par traitement (ie la niers étant couverts de mousses, les me- moitié des sapins) ont été débarrassées du ter- sures ont été prises au sein des mousses. reau par lavage, dans le but de mesurer la lon-
- passant 20 mm·h enregistrées par les , -1 Pendant la deuxième phase (sèche), les sols ont réagi rapidement à l’absence pluviographes 3 années de suite. Cepen- de pluies, les sols des replats s’étant dés- dant, les taux de déplacement (en % des séchés plus fortement que ceux des fonds graines germées) ont beaucoup différé de doline. Les alternances d’humectation- selon les stations : ils ont atteint 98% dans dessiccation ont eu des effets plus mar- les fonds de doline contre 21 % seulement qués dans les premiers que dans les se- dans les replats (tableau IV). conds (moyennes différentes au seuil de premier mois qui a qui suivi Au bout du 0,05). Pendant cette phase, l’humidité rela- germination, les plantules étant proté- la tive et la température de l’air ont continué gées de l’attaque des prédateurs, le taux d’opposer les 2 stations, mais de façon de survie des semis (en % des graines plus atténuée parce que la végétation s’est germées) a opposé les deux stations : 3% développée dans les deux stations : strate dans les fond de doline contre 91 % dans herbacée dans les dolines, feuillage des les replats (tableau V). Toujours au bout arbustes dans les replats. Pendant la troisième phase (humide), les sols sont revenus à la capacité au champ, alors que l’humidité relative et la température de l’air ont eu tendance à s’égaliser dans les 2 stations. Comportement des semis in situ La germination des graines, protégées de l’attaque des prédateurs, s’est déclenchée au cours des 3 premières semaines du mois de mai, à la fin de la fonte des neiges. Elle s’est échelonnée sur 8 jours. Les taux de germination des graines ana- lysées pendant 3 ans in situ, ont été de l’ordre de 30% dans l’ensemble des sta- tions (tableau III). Les germes se sont développés d’abord à la surface du sol, sans géotropisme pen- dant plusieurs jours (au moins 5 jours) : les radicules ont rampé sur le substrat sans s’y implanter. Les radicules se sont ensuite recourbées pour s’orienter vers le sol (morphologie en crosse). Une semaine après la germination, on a noté que la plupart des semis ont été dé- placés. Le phénomène a été provoqué par les averses violentes qui surviennent régu- lièrement au printemps dans le Jura, comme en ont témoigné des averses dé-
- du premier mois, mais (traitement air saturé) les plantules se protection sans contre les prédateurs, le taux de survie a sont bien développées et le taux de survie au 21 jour a atteint 93,7%. À une humidi- e différencié aussi des deux stations, avec cependant beaucoup moins d’écart : res- té relative de 30 à 40% (traitement sec), la plupart des plantules se sont déssé- pectivement 0 et 29%. chées et le taux de survie est tombé à Au bout d’un an, les taux de survie se 6,3%. sont encore abaissés dans les replats, de 91 à 84% (plantules protégées) et de 29 à Dans l’expérience 2 (graines germées 26% (plantules non protégées de l’attaque plantées dans le substrat jusqu’au tiers de des leur longueur), les radicules se sont en- prédateurs). foncées d’emblée verticalement dans le substrat (fig 3). Les semis plantés sur Comportement des semis substrat à l’humidité équivalente ou sur et des plantules in vitro substrat avec déficit hydrique mais en en- vironnement atmosphérique humide se Dans l’expérience 1 (graines germées dis- sont démarqués par un développement posées horizontalement à la surface du élevé des radicules (moyennes [1] : 69,3 substrat, comme le milieu naturel), l’hypo- et 69,5 mm à 53 jours). Les semis plantés cotyle portant à son extrémité les feuilles sur substrat humide et placés en air sec cotylédonaires s’est dressé verticalement se sont caractérisés par une radicule un au-dessus du substrat et la radicule a dé- peu moins longue (moyenne [2] : 64,1 crit une sinusoïde avant de pénétrer et de mm), mais la différence avec les s’enfoncer verticalement dans le substrat moyennes précédentes n’a pas été signifi- (fig 3). Dans tous les essais, la première cative (test t de Student). Les semis plan- phase de croissance racinaire s’est effec- tés sur substrat avec déficité hydrique et à tuée parallèlement au substrat ou même une humidité relative de 40% (air sec), ont présenté par contre des radicules moins parfois en sens opposé (courbure vers le longues (moyenne [3] : 54,3 mm, diffé- haut). La radicule a d’abord rampé à la surface du substrat avant de s’orienter rence significative au seuil 0,01 avec (1) vers lui. Dans un environnement humide (2). et 0,05 avec
- Au cours de l’année qui a suivi, l’hypo- un système racinaire bien développé (traite- cotyle et le bourgeon terminal n’ont pas ments à l’humidité équivalente) sont toutes turgescentes (taux de survie à 24 h changé de taille. Les systèmes racinaires restées (somme des longueurs des racines princi- 100%); par contre, celles qui avaient un = système racinaire réduit sont flétries rapide- pales et secondaires) se sont développés, mais ont atteint des dimensions très diffé- ment : les taux de survie sont tombés à rentes selon les traitements : sur substrat bout de 50% bout de 12h et 0% au au à l’humidité équivalente le système raci- 24 h. naire a atteint 357,6 et 116,3 mm sur sub- strat soumis à des phases sèches DISCUSSION ET CONCLUSION (moyennes significativement différentes au seuil de 0,01).Les taux de survie des plantules ont été de 100% sur substrat du comportement des semis d’une Au vu frais et de 90% sur substrat avec déficit et des données microclimatiques et part hydrique. pédoclimatiques disponibles, il ressort que le mois qui suit la germination, de fin mai à Les plantules qui ont été soumises à un ensoleillement direct de 2 h se sont com- fin juin, constitue une première phase criti- portées très différemment selon les traite- que, qui est déterminante pour la survie ments antérieurs. Celles qui possédaient des semis placés dans les fonds de doline.
- Une deuxième phase critique, de fin juin à nada par Brown et dans les (1981) Alpes fin août, peut aussi devenir déterminante par Mullenbach (1982). dans les replats pour les plantules mal en- L’humidité de l’air joue un rôle fonda- racinées à cette époque. mental dans les premiers stades de déve- Les averses orageuses au printemps loppement des plantules et semble être constituent l’un des traits les moins connus une condition nécessaire pour assurer leur et pourtant les plus spectaculaires du cli- survie pendant la phase initiale de géotro- mat jurassien. En cette période de l’année pisme nul. L’alimentation en eau par l’air où les sols ne sont pas protégés par la vé- saturé constitue encore un facteur déter- gétation herbacée encore inexistante, la minant favorable au développement des violence des averses provoque des trans- plantules lorsque des radicules se trouvent ports de matière qui touchent non seule- implantées en substrat sec. Cette observa- ment les sols (Gaiffe et Bruckert, 1985; tion implique que les plantules sont en par- Gaiffe, 1990) mais également les maté- tie alimentées en eau par l’intermédiaire riaux peu ou non fixés au substrat, en par- des tissus aériens, comme cela a été ticulier les graines germées, les semis constaté chez d’autres plantes (Vartanian, rampants et même les semis implantés 1977). (Tan, 1987). Au total, les paramètres microclimati- Les fonds de doline, recouverts de ques et pédoclimatiques suivants oppo- feuilles tassées par la neige, offrent une sent les 2 stations étudiées : l’humidité re- surface difficilement pénétrable sur la- de lative et la température l’air, quelle les semis sont soumis à une action l’ensoleillement, les régimes hydriques in- très dommageable des pluies battantes. ternes des sols. Les facteurs microclimati- Dans les replats, revêtus d’un tapis musci- ques peuvent exercer une action détermi- nal et d’arbustes, les semis sont protégés nante pendant la première phase humide, de l’effet des averses. entre fin mai et fin juin, période pendant la- quelle l’ensoleillement peut atteindre direc- Le déplacement des semis, déjà signalé tement les fonds de doline dépourvus de chez le pin Weymouth (Pinus strobus) aux États-Unis (Cléments, 1964), dépend à la couverture végétale à cette époque. Les facteurs pédoclimatiques prennent ensuite fois de la violence des précipitations et de le relais pendant la période de fin juin à fin la «rugosité» du terrain. L’énergie des pré- août. cipitations est fortement atténuée par les couvertures muscinales (Lieutaghi, 1972). Les facteurs microclimatiques et pédolo- Le déplacement des semis entraîne des giques agissent donc sur les premiers lésions au niveau de la radicule. L’insola- stades de développement et d’implantation des semis de sapin. Ce constat n’interdit tion pendant les périodes de beau temps pas que d’autres facteurs puissent interve- qui alternent avec les averses en cette sai- nir pendant cette phase précoce de la ré- son, provoque la mortalité, par dessicca- tion, des semis déplacés. Les dégâts ob- génération naturelle et par la suite : gelées servés apparaissent beaucoup plus impor- tardives (Tranquillini, 1979), si fréquentes et actives dans le Jura (Tan, 1983); fac- tants dans les fonds de doline que dans les replats. Le dessèchement de semis teurs biotiques tels les prédateurs (Wojnar, 1970; Tan, 1987) et diverses substances peu ou non enracinés a été décrit égale- ment chez Pinus strobus (Smith, 1951). toxiques minérales ou organiques (Rous- seau, 1960; Becker et Drapier, 1984 et L’importance des replats vis-à-vis de l’im- plantation des forêts a été signalée au Ca- 1985).
- tion des forêts Les conclusions relatives à l’importance alpines. Rev For Fr spéc, 153- 161 des facteurs physiques mis en évidence en forêt de Levier semblent pouvoir s’ap- Brown JL (1981) Les forêts du Témiscamingue, Québec. Écologie et photo-interprétation. pliquer à l’ensemble du Jura et à des mas- Études écologiques. Lab écol For, Université sifs de même altitude, géologiquement Laval, Québec, 245-258 semblables, de l’arc alpin, parce que les Bruckert S, Gaiffe M (1980) Analyse des facteurs modèles géomorphologiques et station- de formation et de distribution des sols en nels concernés sont répétitifs dans les pays calcaire glaciaire ou karstique. Plaine de contextes karstiques de ces régions. Frasne - Bonnevaux et Montagne du Laveron Jura Central. Ann Sci Univ Franche-Comté On peut enfin penser que certains des - Besançon Biol Vég sér 4, 1, 19-65 facteurs physiques étudiés pourraient Bruckert S, Tan BS (1986) Étude du dépérisse- aussi être importants hors du contexte ré- ment des forêts de l’étage montagnard du gional. Les rôles de piège et de protection Jura en relation avec les sols calciques ou joués par les mousses ont été pressentis acides du Karst, l’importance de leurs élé- par Rousseau (1960), Brossier (1977) et ments nutritifs et l’état nutritionnel des peu- Drapier (1983) dans les Vosges et les plements. Ann Sci Univ Franche-Comté Be- Alpes, mais sans que les mécanismes en sançon, Biol Vét Sér 4, 6, 37-44 cause aient été étudiés. Cléments JR (1984) The potential influence of soil splashing by raindrops on seedling survi- val. For Chron 40 (4), 512-513 RÉFÉRENCES CPSC (1967) Classification des sols. française Doc offset, INRA, 96 p Drapier J (1983) Les difficultés de régénération Aubert D (1969) Phénomènes et formes du des sapinières vosgiennes. Importance de karst jurassien. Eclogae Geol Helv 62 (2), l’humus et rôle de l’allélopathie. Thèse, Univ 325-399 Nancy I, STMCM, 109 p Badre L (1962 La sapinière vosgienne et le gi- Ferrari GA, Wolf U (1970) Considerazioni sui bier. Bull Soc For Franche-Comté et des Pro- soli la rinnovazione naturale dell’ Abete bi- e vinces de l’Est 1, 473-480 (Abies alba Mill) del bosco "Abieti so- anco Becker M, Bennett P (1980) Propriétés allélopa- prani" (Pescopennataro - is). Ann Accad Ital thiques d’une graminée forestière : la grande Sci For 19, 423-439 fétuque (Festuca silvatica Vill) CR 6 Coll In- e Gabellini B, Screm E (1968) The suitability of va- tern Ecol Biol Système Mouv Herbes, Colu- rious natural substrates to serve as a seed- ma-EWRS, Montpellier, tome 2, 451-460 bed to Abies alba and Picea abies. Ann Becker M, Drapier J (1984) Rôle de l’allélopa- Accad Ital Sci For 17, 400-409 thie dans les difficultés de régénération du Gaiffe M Erosion of calcimagnesic soils (1990) sapin (Abies alba Mill). I. Propriétés phyto- aggregates in Jurassian pedological sys- toxiques des hydrosolubles d’aiguilles de as tems. Catena 17 (2), 141-149 sapin. Acta Œcol Œcol Plant5 (19), 347-356 Gaiffe M, Bruckert S (1985) Analyse des trans- Becker M, Drapier J (1985) Rôle de l’allélopa- ports de matières et des processus pédogé- thie dans les difficultés de régénération du sapin (Abies alba Mill). II. Étude des lessi- nétiques impliqués dans les chaînes de sols du karst jurassien. Catena Soils and Geo- vats naturels de feuillage, de litière et d’humus. Acta Œcol Œcol Plant 6 (20), 31-40 morphol suppl 6, 159-174 Brinar M (1971) The effect of "Kolins" on seed Gaiffe M, Bruckert S (1991) Déterminisme pa- germination in connection with the alterna- léoécologique des écosystèmes actuels du tion of certain forest tree species. Godz Haut-Jura, en relation avec la fracturation Westn 29 (2/3), 65-83 des roches. Ann Sci For 48, 575-591 (1977) Évolution Brossier J des idées Godan D (1983) Pest slugs and snails. Springer- en ma- tière forestière et la ges- conséquences 26 p Verlag, Berlin, sur
- Tan BS (1983) Rôles du sol dans la régénéra- P (1972) L’environnement végétal. De- Lieutaghi tion du sapin et du climat dans le reboise- lachaux et Niestlé, Neuchatel, 60-61 ment des combes à l’étage montagnard du Mullenbach P (1982) Les reboisements au voisi- Jura. Thèse, Univ Nancy I, 131 p nage de la limite altitudinale de la végétation Tan BS (1987) Étude de l’influence de quelques forestière (limite sylvestre). Exemple de la facteurs écologiques sur les premiers stades station du Chazelet. Premiers résultats. Rev de la régénération du sapin (Abies alba) à For Fr 5, spécial l’étage montagnard du Jura. Rev Ecol Biol Nicod J (1990) Le karst jurassien. Modèle géo- Sol 24 (4), 623-635 morphologique spécifique. Bull Soc Neuch Tan BS (1988) La régénération du Sapin (Abies Sci Nat 113, 13-25 alba Mill) dans le Jura : influence des fac- teurs physiques, édaphiques et biotiques sur Pochon M (1978) Origine et évolution des sols les stades précoces du développement des du Haut-Jura suisse. Phénomènes d’altéra- semis. Thèse, Univ Besançon, 133 p tion des roches calcaires sous climat tempé- Tranquillini W (1979) Physical ecology of the al- ré humide. Thèse, Univ Neuchâtel, 192 p pine timberline. Springer-Verlag, Berlin A (1988) La spécificité des relations Roques Vallée G (1967) Nouvelles contributions à entre cônes de cônifères et insectes inféodés l’étude du rôle du manganèse dans la régé- en Europe Occidentale : un exemple d’étude nération de la sapinière vosgienne. Thèse, des interactions plantes-insectes. Thèse, Univ Nancy I, 138 p Univ Pau, 225 p Vartanian N (1977) Influence des facteurs hydri- Rousseau LZ (1960) De l’influence de type ques de l’environnement sur le système raci- d’humus sur le développement des plantules naire : aspects morphologiques histologiques de sapin dans les Vosges. Ann Ec Nat Eaux et écophysiologiques. Thèse, Univ Orsay, et For, 17, 17-115 150 p Smith DM (1951) The influence of seedbed Wojnar T (1970) Results of experimental so- wings of Abies alba in the forest of Marescu. conditions on the regeneration of Eastern Ann Accad Ital Sci For 19, 217-241 White pine. Conn Agric Bull 545, 7-61
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