Báo cáo khoa học: "Les principaux types de sapinières (Abies alba Mill) dans le massif du Jura (France et Suisse). Étude phytoécologique"
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Nội dung Text: Báo cáo khoa học: "Les principaux types de sapinières (Abies alba Mill) dans le massif du Jura (France et Suisse). Étude phytoécologique"
- Article original Les principaux types de sapinières (Abies alba Mill) dans le massif du Jura (France et Suisse). Étude phytoécologique GD Bert INRA, laboratoire de phytoécologie forestière, centre de recherches de Nancy, 54280 France Champenoux, (Reçu le 18 octobre 1991; accepté le 3 décembre 1991) Résumé — Les premiers résultats d’une étude dendrochronologique ont montré que les peuple- ments de sapin (Abies alba Mill) dans le Jura ont traversé une période de crise entre 1973 et 1982, due en grande partie à des sécheresses prononcées. Considérées dans leur ensemble, ces sapi- nières bénéficient depuis d’un net rétablissement de leur croissance radiale. Cependant, certaines d’entre elles sont aujourd’hui encore dépérissantes. L’hypothèse d’une plus grande sensibilité de certaines stations vis-à-vis de stress climatiques a impliqué l’étude de l’interaction entre manifesta- tions du dépérissement et conditions écologiques locales, préalablement mises en évidence pour chaque type de station. L’échantillonnage de 208 sites de sapinières a permis de réaliser une typolo- gie des principales unités stationnelles sur toute l’aire de répartition du sapin dans le Jura. Cet ar- ticle présente les caractéristiques écologiques et floristiques des 11 principales unités rencontrées au sein de 6 associations phyto-sociologiques : hêtraie à laîche, hêtraie à tilleul, hêtraie à dentaire, hêtraie-sapinière, hêtraie à érable et pessière à doradille. La composition floristique des peuple- ments est essentiellement conditionnée par l’altitude et le bilan hydrique du site. Les influences cli- matiques, la biogéographie de certaines espèces et la dissymétrie de la chaîne montagneuse expli- quent la disjonction géographique entre certaines unités stationnelles. Certains types de stations floristiquement proches présentent d’importantes différences du point de vue de l’état sanitaire des sapins, apprécié par leur degré de défoliation et de jaunissement. Cette composante stationnelle du dépérissement sera précisée par une étude dendroécologique de la croissance radiale des sapins. typologie des stations / phytoécologie / sapinière / Abies alba = sapin / Jura Summary — Main types of silver fir (Abies alba Mill) stands in the Jura mountains (France and Switzerland). A phytoecological study. The initial results of a dendrochronological study showed that fir stands underwent a crisis period from 1973 to 1982, mainly due to severe droughts. These stands, considered as a whole, have recovered a normal radial growth level. Nevertheless, some of them are still declining, which suggests that some sites are more sensitive than others to cli- matic stress. In order to study the relationships between ecological characteristics of sites and die- back symptoms, we determined a typology for silver fir stands. Two hundred and eight sample plots were selected that were as representative as possible of the natural range of silver fir in the Jura mountains (eastern France). This paper describes 11 main types of sites belonging to 6 phytosocio- logic associations: Carici-Fagetum, Tilio-Fagetum, Dentario-Fagetum, Abieti-Fagetum, Aceri- Fagetum and Asplenio-Piceetum. The ground vegetation depends mainly upon altitude, soil water supply, but also on geographic location due to the distribution of some species and site characteris-
- tics. The soils of the Jura, which is a calcareous massif, consist of rendzina, humic cambisol, calcic cambisol, chromic cambisol, orthic luvisol and chromic luvisols (FAO). A subsequent dendroecological study will deal with differences in state of health between site types. site typology/ phytoecology/ fir stand /Abies alba= silver fir / Jura mountains INTRODUCTION (Pfister, 1989) et les caractéristiques éco- logiques de chaque type de station. Cette typologie était encore fragmentaire du point Le sapin pectiné, essence indigène du Jura, de vue géographique et hétérogène pour de grande importance économique, montre utilisation l’ensemble du massif. une sur des symptômes de dépérissement dans Moor étudié les associations du (1952) a cette région. Pour rechercher les causes de Faglon dans le Jura suisse, Richard (1961) ce dépérissement et en comprendre le mé- a traité des forêts acidophiles du Jura canisme, des recherches écologiques et suisse et de la moitié nord du jura français, dendrochronologiques ont été entreprises Guinochet (1973) a cartographié très fine- dans le contexte phytogéographique juras- ment une petite région au sud de Pontarlier, sien, aux sols calcaires, calciques ou Simmeray (1976) a interprété les groupe- acides. Ces travaux ont permis la comparai- ments de la région de Saint-Claude, Gaiffe son avec les études sur le dépérissement et Schmitt (1980) ont analysé la végétation du sapin dans les Vosges, sur des sols en de Mouthe à Pontarlier, Gillet et al (1984) moyenne très acides. Les premiers résultats ont réalisé une étude cartographique de la d’une étude dendrochronologique ont mon- région sud-est du massif et Rameau (1988) tré que, comme dans les Vosges (Becker, a décrit les hêtraies mésoneutrophiles et 1987; Becker et Lévy, 1988), les sapinières acidiclines de la partie ouest du Jura. jurassiennes, considérées dans leur en- Le dispositif initial de 87 placettes, mis semble, bénéficient d’un net rétablissement en place en 1987, dans les départements du point de vue de la croissance radiale, du Doubs et du Jura, a été étendu à l’en- après une période de crise entre 1973 et semble du massif, tant dans sa partie fran- 1982 due en grande partie à des séche- çaise que suisse. Ainsi, notre étude de ter- prononcées (Bert et Becker, 1990). resses rain a permis de rassembler les éléments Cependant, certains peuplements sont nécessaires à un examen général de la va- aujourd’hui encore dépérissants. Au cours riabilité stationnelle à l’échelle du massif. de travaux ultérieurs, nous chercherons L’analyse a conduit dans un premier temps d’une plus donc à tester l’hypothèse à identifier les associations végétales fo- grande sensibilité de certains arbres ou de restières déjà définies sur le Jura. Puis certaines stations vis-à-vis de stress clima- nous avons précisé la variabilité station- tiques, éventuellement aggravée par de nelle de chacune d’elles afin de définir des mauvaises conditions sylvicoles ou l’inter- unités stationnelles plus homogènes. Ces vention de polluants. L’étude de l’interac- unités stationnelles ne correspondent pas tion possible entre conditions écologiques toujours à des «types de stations» (unités locales et manifestation du dépérissement parfaitement homogènes du point de vue passe par l’utilisation d’une typologie des stationnel) car l’échantillonnage a été réali- stations préalablement construite. En effet, sé dans un but dendroécologique. la réalisation d’une classification de la vé- Cet article présente les résultats phytoé- gétation met en évidence les principaux issus de l’analyse de la végéta- facteurs du milieu qui structurent la flore cologiques
- tion et les Delémont (en Suisse, 30 km au SE de Bâle) et caractéristiques écologiques et le lac du Bourget (35 km au Nord de Chambé- géographiques des unités stationnelles. ry), soit une surface de 230 x 50 km (fig 1).La partie française du massif compte 144 sites : 77 dans le département du Doubs, 41 dans le Jura D’ÉTUDE, MÉTHODES AIRE et 26 dans l’Ain; les 64 sites suisses se parta- gent entre les cantons du Jura (11 placettes), de Berne (13), de Neuchâtel (19) et de Vaud (21 ). Limites géographiques Échantillonnage, La surface étudiée couvre l’aire de répartition du sapin dans le massif du Jura. La limite des sapi- observations phytoécologiques nières correspond au rebord du second plateau à 650 m d’altitude. Les précipitations moyennes annuelles dépassent 1 200 mm. L’ensemble des n’a concerné que les stations L’échantillonnage 208 peuplements échantillonnés s’étend entre les peuplements forestiers lesquelles sur com-
- sols CPCS (1967). Le rattachement portaient plus de 50% de sapin; toutes les asso- été par- a ciations végétales ne pouvaient donc pas être fois compliqué par la disposition des sols en mo- rencontrées. Le choix des placettes a été fait en saïque : le type de sol varie sur une courte dis- tance selon la microtopographie et la structure respectant la variabilité des conditions station- nelles au sein d’une même petite région. Les du substrat sous-jacent. De même, l’abondance peuplements de sapins échantillonnés couvrent de cailloux dans les profils ont rendu délicate la une large gamme d’âges, afin de pouvoir réali- mesure de profondeur de sol. Afin d’harmoniser étude les dénominations, nous avons également expri- Chaque ser une dendrochronologique. placette d’une surface de 400 m comportait 6 2 mé les noms de sols selon la nomenclature du sapins dominants sur lesquels diverses me- Référentiel pédologique français (Baize et Gi- sures dendrométriques et observations sani- rard, 1990). La fosse pédologique la plus carac- taires ont été réalisées. La défoliation (pourcen- téristique de chaque type de sol a fait l’objet de tage d’aiguilles absentes par rapport à un sapin prélèvements et d’analyses; les résultats de sain de même morphologie) et le jaunissement l’analyse granulométrique ont permis de calculer (pourcentage d’aiguilles jaunes dans le houp- la réserve en eau moyenne. pier) ont été appréciés par le même notateur sur les 1 248 sapins. L’état sanitaire des sapins n’a pas conditionné leur choix pour conserver Méthodes d’analyse bonne représentativité de l’échantillon vis- une à-vis du degré de dépérissement de l’ensemble des sapinières. Les relevés floristiques en abondance- dominance ont été soumis aux analyses multiva- Un relevé phytoécologique a été réalisé sur riées : analyse factorielle des correspondances chaque placette. La composition floristique a (AFC) et classification ascendante hiérarchique été notée en nommant toutes les espèces selon (CAH) du logiciel SPAD N (Lebart et al, 1988). la nomenclature de Flora Europaea (Halliday et L’analyse factorielle des correspondances est Beadle, 1983) et en notant leur abondance- essentiellement un mode de représentation gra- dominance selon la méthode «Braun- phique du tableau de contingence constitué par Blanquet». Le peuplement a été brièvement ca- les 208 relevés et les 199 espèces caractérisées ractérisé par son type de traitement en «futaie par leur coefficient d’abondance-dominance (Le- régulière» ou «futaie jardinée». Le site a été dé- bart et al, 1977). Elle utilise 2 types de variables. crit par : les coordonnées géographiques, l’alti- Les variables actives (ou principales) déterminent tude (mesurée avec un altimètre, précision = les axes; ce sont les 199 espèces de cette étude. 10 m), la pente (en degrés), l’azimut magnéti- Les variables supplémentaires ne participent pas que du haut de la pente, le masque (pente de la au calcul des valeurs propres mais elles peuvent droite joignant la placette au sommet du versant être représentées sur les plans factoriels comme opposé); ces 3 dernières valeurs ont été inté- le barycentre d’un groupe de relevés. Dans le cas grées en un «indice de climat radiatif» (Becker, de notre étude, les relevés ont été regroupés 1982) qui varie dans l’échantillon entre 0,25 selon 9 tranches d’altitude, puis le point moyen de «froides») à 1,25 (stations (stations chaque groupe a été projeté sur l’AFC. La même «chaudes»). La position topographique est procédure a été employée pour les différentes va- notée comme «sommet», «haut de pente», «mi- riables stationnelles : type de sol, profondeur de pente», «plateau», «bas de pente» ou sol, indice de climat radiatif. L’agencement des n «dépression». Le sol a été décrit grâce à une points moyens correspondant aux n classes d’une fosse pédologique ou un prélèvement à la ta- variable au long d’un axe permet de conforter son rière, selon sa charge en éléments grossiers; interprétation écologique. les descripteurs principaux sont : la profondeur de décarbonatation, la profondeur de sol, le L’analyse factorielle permet d’établir la cor- respondance entre le nuage de points des rele- type de substrat classé en «marne», «banc cal- vés et celui des espèces. Dans un premier caire compact», «banc diaclasé», «banc temps, l’interprétation de l’agencement des es- concassé», «éboulis fins», «éboulis grossiers» pèces les unes par rapport aux autres révèle les et «moraines». Ces éléments permettent de rat- facteurs écologiques essentiels qui structurent tacher le sol aux types décrits par Gaiffe et évidence obser- la flore. Ceux-ci sont mis Schmitt (1980), Bruckert et Gaiffe (1980) en sui- en en regroupement des espèces, vant le mode de vant la nomenclature de la classification des
- «typiques» de chacun des groupes peuvent être dont on connaît le caractère indicateur, qui distingués des relevés «hybrides», situés entre contribuent le plus à la création d’un axe. Le ca- ractère indicateur de chaque espèce est révélé les groupes (Dupouey, 1985; Equihua, 1990). par l’observation de ses profils écologiques en Pour situer notre typologie par rapport aux fonction des différentes variables stationnelles. travaux antérieurs et rattacher ses unités sta- Les variables supplémentaires confortent l’inter- tionnelles à des descriptions antérieures, 36 re- prétation des axes réalisée à partir des es- levés issu de la littérature ont été inclus dans pèces. Dans un second temps, le regroupement l’analyse factorielle des correspondances en des placettes est interprété à l’aide de ces tant que relevés supplémentaires (Richard, mêmes facteurs. 1961; Simmeray, 1976; Gillet et al, 1984). Ces individus supplémentaires ne peuvent pas modi- Si les relevés ont été faits dans des milieux fier l’analyse; leur projection sur le plan formé nettement différents et distants les uns des par les 2 premiers axes de l’AFC est réalisée en autres, les groupes de relevés se séparent aisé- prenant pour référence l’ensemble des relevés ment sur les plans factoriels. Au contraire, si les propres à la présente étude. relevés ont été réalisés au sein de gradients écologiques continus, au long d’un transect par exemple, les plans factoriels à 2 dimensions montrent un nuage de points homogène : les re- RÉSULTATS levés ne sont pas individualisés en groupes. Dans ce cas, il est nécessaire de réaliser une classification automatique des relevés. Interprétation de l’analyse factorielle La classification ascendante hiérarchique des correspondances fournit un ensemble de classes de moins en moins fines obtenues par regroupement suc- cessif de parties. Le dendrogramme, ou arbre Les 3 premiers axes expliquent 14,4% de de classification, est obtenu de manière ascen- la variance du nuage de points. Ils ont pu dante : on regroupe d’abord les 2 relevés floris- être interprétés en termes de facteurs éco- tiquement les plus «proches» qui forment un «sommet», il ne reste alors plus que (n-1) ob- logiques qui influent sur la végétation. jets et le processus est réitéré jusqu’à regrou- pement complet (Saporta, 1990). L’algorithme (6,2% de la variance du nuage) Axe 1 de SPAD N fonctionne avec le critère d’agréga- tion de Ward qui utilise la distance euclidienne. Les calculs peuvent être effectués sur les rele- espèces dont le profil éco- Sur cet axe, les vés floristiques, ce qui est objectif mais en- une préférence pour les logique indique globe les variations aléatoires de leur composi- faibles altitudes se localisent du côté des tion, ou sur les premiers axes de l’AFC. Dans plus faibles abscisses : Carpinus betulus, ce cas, la classification ne prend en compte que l’information de ces axes et ignore les fac- Cornus sanguinea, Crataegus laevigata, teurs non interprétables ou de faible poids. C monogyna, Fraxinus exelsior, Ligustrum Nous avons effectué la CAH sur les 10 pre- vulgare, Quercus petraea. Au contraire, les miers axes de l’AFC. espèces à caractère indicateur monta- La qualité de l’appartenance d’un relevé à un gnard correspondent aux plus fortes ab- groupe issu de la classification hiérarchique a scisses : Adenostyles alpina, Asplenium vi- été chiffrée à l’aide d’une nouvelle méthode : la ride, Lonicera alpigena, Orthilia secunda, classification par «ensembles flous». Le module Ranunculus aconitifolius, Rubus saxatilis, Fuzzy contenu dans le logiciel Modulad (Du- pouey, 1989) fonctionne selon ce principe. La Vaccinium myrtillus. Par ailleurs, la projec- classification par «ensembles flous» affecte à tion du point moyen des 9 classes d’alti- chaque relevé une valeur d’appartenance (va- tude montre un agencement très net au riant entre 0 et 1) à chacun des groupes floristi- long de l’axe 1 (fig 2). La corrélation entre ques. Avant cette analyse, les relevés sont re- la coordonnée sur l’axe 1 d’une placette et groupés selon les résultats de la classification l’altitude est significative à 0,1% (r =0,80). hiérarchique; après calculs, les relevés
- Ce premier axe est donc interprété comme l’axe 3 est négative se localisent géogra- gradient climatique lié à l’altitude du site. phiquement sur la bordure ouest du Jura; un les placettes avec des coordonnées posi- tives localisent à l’est du massif. Par se Axe 2 (4,6% de la variance du nuage) ailleurs, la répartition géographique des espèces au sein du massif permet de les Les espèces indicatrices de sols riches en rattacher à 5 principaux types : squelette calcaire (sols humo-calcaires, espèces collinéennes sur le pourtour du humo-calciques) ou d’une faible décarbo- - Jura : Acer campestre, Crataegus laeviga- natation possèdent les plus fortes coor- ta, Ligustrum vulgare, Quercus petraea; données sur l’axe 2, et inversement pour les espèces les plus acidiphiles, ce qui espèces montagnardes sur la Haute- - semblerait indiquer un gradient trophique. Chaîne : Lonicera alpigena, Moehringia Cependant, l’étude de la répartition des muscosa, Ranunculus aconitifolius, R lanu- espèces sensibles au régime hydrique du ginosus, Valeriana montana, Veronica urti- sol a révélé le véritable facteur écologique cifolia; exprimé par cet axe : un gradient d’humidi- espèces xérophiles au sud : Carex alba, - té, ou de bilan hydrique de la station. Le Coronilla emerus, Laburnum anagyroides, bilan hydrique a été estimé grâce à la pro- Teucrium scorodonia; fondeur de sol, la position topographique, espèces continentales situées préféren- - la pente de la station ou la perméabilité de tiellement au nord-est : Lilium martagon, la roche mère. Les 2 hypothèses sont ce- Maianthemum bifolium, Prunus avium, pendant compatibles car les sols calcaires Sorbus mougeoti, Stachys officinalis; sont également les moins épais (30-50 espèces mésophiles ou hygroclines, sub- cm environ) et les plus secs, tandis que - océaniques, plus abondantes dans le quart les sols bruns plus acides sont épais (60 à nord-ouest : Carex remota, Impatiens noli- plus de 110 cm) et présents sur des sta- tangere, Glechoma hederacea, Senecio tions où le drainage est inférieur aux ap- fuchsii, Veronica montana... ports d’eau. La projection des points moyens des variables stationnelles met en L’axe 3 révèle donc un gradient de évidence les mêmes résultats, avec moins continentalité. Il apparaît au travers du dis- d’efficacité (fig 2). D’autres résultats, por- positif car le Jura est soumis aux 3 grands tant notamment sur l’analyse de la crois- types d’influences climatiques et de cou- sance en hauteur des sapins, ont confirmé rants de migrations végétales : méditerra- nettement l’interprétation de l’axe 2 grâce néenne, atlantique et continentale. au bilan hydrique (Bert, 1992). Structuration des relevés (3,6% de la variance du nuage) Axe 3 L’AFC a montré que la composition floristi- Les variables stationnelles ne permettent que des groupements végétaux dépend pas une interprétation satisfaisante de principalement de l’action conjuguée de l’axe 3. On a cherché à voir si la position l’altitude, de l’humidité du sol et de leur po- relative des points relevés le long de cet sition géographique. La classification as- évidence mettait pas struc- une axe ne en cendante hiérarchique a débord séparé les à laquelle turation d’ordre géographique relevés d’altitude des stations de basse al- déterminisme écologi- correspondrait un titude. Au sein de ces dernières, les sta- dont la coordonnée sur que. Les placettes
- tions sèches ont été séparées des stations Rameau et al et Rameau (1980) (1980), dernières ont (1987). hygrosciaphiles; enfin, ces été subdivisées en hêtraies à dentaire et La projection des groupes de relevés hêtraies-sapinières (fig 3). Finalement, 11 le plan formé par les 2 premiers axes sur unités stationnelles ont été identifiées et de l’AFC (en 2 dimensions) montre des en- ont pu être rattachées à des unités dé- sembles assez enchevêtrés. Pour en épu- crites par Moor (1968), Gaiffe et Schmitt rer la représentation, nous avons transfor-
- mé plan en un diagramme qui combine tiques, écologiques et pédologiques. Les ce les gradients altitudinal et hydrique; il associations végétales sont nommées montre l’amplitude de répartition écologi- selon la nomenclature européenne reprise que des diverses associations (fig 4). par Gillet et al (1984). Elles sont présen- tées selon le gradient principal d’altitude Les facteurs essentiels qui structurent croissante. Le tableau II donne le résultat la végétation ont été utilisés pour présen- des analyses effectuées sur les 10 sols les ter les unités stationnelles forestières sous plus typiques de l’échantillon. forme d’un tableau floristique (tableau I). Les relevés ont été ordonnés en fonction de l’altitude, exprimée par leur coordonnée Hêtraie à laîches sur l’axe 1. Les associations les plus colli- néennes sont sur la gauche du tableau et les plus montagnardes sont à l’autre extré- Cette association appartient au Carici- mité. Le découpage présenté dans le ta- Fagetum Moor 1952. Elle s’individualise bleau a été conditionné par la taille de floristiquement grâce à la présence d’es- l’échantillon réalisé; les unités pourraient pèces de «faible» altitude (étages submon- être plus finement décomposées en aug- tagnard et montagnard inférieur), calcari- mentant le nombre de points de relevés. coles, calcicoles, neutrocalcicoles et calciclines : Carex alba, Mercurialis peren- Les4 groupes d’espèces individualisés nis (caractérisent le groupement), Acer une CAH correspondent globalement par campestre, Carex flacca, Clematis vitalba, étages bioclimatiques submonta- aux Cornus sanguinea, Crataegus monogyna, gnard, montagnard inférieur, montagnard Daphne laureola, Ligustrum vulgare, Loni- moyen, montagnard supérieur/subalpin. cera xylosteum, Melica mutans, Sesleria Plus précisément, certaines espèces sont albicans, Teucrium scorodonia. Les pla- effectivement bien liées à une variation cettes qui représentent la hêtraie à laîches d’altitude tandis que le classement s’étagent principalement entre 580 et 950 d’autres espèces dans un «étage» est dû m d’altitude (fig 5), de préférence sur les à l’échantillon de relevés disponibles pour versants chauds. Elles sont situées sur cette étude. Ce gradient a cependant été des éboulis grossiers, en position de mi- conservé pour classer les espèces dans le pente sur des pentes moyennes à fortes tableau pour mettre en évidence les affini- (10-25°). tés entre espèces aux diverses altitudes. Au sein de chaque étage, les espèces ont La hêtraie à laîches se rencontre sur été ordonnées par groupes écologiques, des sols humifères carbonatés ou peu dé- en fonction d’un gradient hydrique (pré- carbonatés : humo-calcaire ou humo- pondérant) et trophique, comme l’indique calcique. Les sapins de ce milieu montrent la légende au bas du tableau. Les es- un important manque d’aiguilles dans leur pèces différentielles de chaque groupe houppier, en moyenne 21%, et les plus sont encadrées. forts jaunissements du feuillage. Hêtraie à laîches neutrophile Associations végétales et unités stationnelles Richard (1961) a distingué 2 sous- associations de hêtraie à laîches : le Cari- ci-Fagetum caricetosum albae (Moor, description des différents groupes com- La 1952), caractérisé par Carex alba et que porte leurs principales différentielles floris-
- nommé «hêtraie à laîches», et clines, neutroclines ou acidiclines : Athy- nous avons rium filix-femina, Carex sylvatica, Dryopte- sous-association légèrement acido- une ris dilatata, D filix-mas, Hylocomium splen- cline de la hêtraie à laîches : le Carici- dens, Hordelymus europaeus, Rubus sp, Fagetum caricetosum montanae, caractéri- Rhytidiadelphus loreus, Tilia platyphyllos, sé par Carex montana. L’analyse a distin- Cette sous- Thuidium tamariscinum. gué ce second groupement grâce à la pré- association se rencontre à submon- sence d’espèces neutrocalcicoles, calci- l’étage
- inférieur entre 700 et Cette dernière caractéristique explique tagnard/montagnard 860 m. Le substrat est constitué par des l’absence de colluvionnement des sols bancs calcaires diaclasés ou concassés, humo-calciques ou humo-calcaires. La ou des éboulis grossiers, en positions to- perméabilité du substrat confère un carac- pographiques variées (srutout en mi- tère relativement xérique aux stations de pente) sur des pentes faibles de 3-16°. hêtraie à laîches : précipitations de 1 300 à
- 1 500 mm, réserve estimée en eau utile de hêtraie à dentaire. Ce type de sol est 70 mm. Les sapins dominants sont sou- formé de 2 horizons très caillouteux (plus vent parasités par du gui (Viscum album) de 65% en poids) riches en matière organi- et jaunissants. Les 24 sites qui représen- que, aux pH élevés (pH eau 7,7 dans = tent la hêtraie à laîches n’ont pas permis l’horizon A et 8 dans le A la terre fine 1 C); 1 de distinguer les 15 sous-associations dé- fait effervescence sous l’action de l’acide crites plus récemment par Moor (1972). et contient 50 à 100 g de CaCO total par 3 kg. Les sols humo-calcaires ont une épais- seur de 30 à 55 cm et leur réserve en eau Hêtraie à seslérie est très faible : environ 60 mm. L’association Seslerio-Fagetum a été dé- crite par Moor (1952); elle est caractérisée Hêtraie à dentaire par Sesleria albicans. Elle se rencontre sur les stations les plus sèches, sur des sols Les stations de hêtraie à dentaire font par- carbonatés superficiels. Un seul site la re- tie du Dentario-Fagetum Moor, 1952; Th présente dans notre échantillon et nous Müll 1966. L’association est caractérisée l’avons regroupé de la hêtraie à avec ceux par Fagus sylvatica, Cardamine heptaphyl- laîches. la et Actaea spicata. Les sols à réserve assez importante expliquent le caractère mésophile de la flore de ces stations : Acer Hêtraie à tilleul pseudoplatanus, Bromus ramosus, Carex Le Tilio-Fagetum Moor 1952 se rencontre sylvatica, Circaea lutetiana, Fraxinus exel- pente forte (12-35°) et peu stabilisée, sior, Geranium robertianum, Paris quadri- sur position de haut de pente ou de mi- folia, Prenanthes purpurea, Sambuscus en entre 800 et 1 050 m. La flore est nigra, Sanicula pente, europaea, Plagiomnium marquée par la présence d’espèces calci- undulatum. Ce groupement est très répan- coles : Acer campestre, Daphne laureola, du à l’étage montagnard moyen, entre 800 Helleborus foetidus, Melittis melissophyl- et 1 050 m, sur des pentes moyennes de lum, Melica nutans, Tilia platyphyllos. 6-22°. Il se rencontre principalement sur L’abondance d’espèces neutroclines et des substrats calcaires drainants (banc neutronitroclines la distingue de la hêtraie diaclasé ou concassé, éboulis) qui permet- à laîches neutrophile : Acer pseudoplata- tent l’existence de sols bruns calciques nus, Euphorbia amygdaloides, Fissidens (Calcisol argileux, selon le Référentiel pé- taxifolius, Lilium martagon, Phyteuma spi- dologique). La flore traduit le caractère cal- catum, Prenanthes purpurea, Solidago vir- cicole ou neutrocalcicole du milieu : Carda- gaurea. Les stations sont exposées au mine heptaphylla, Mercurialis perennis, nord-ouest ou au nord-est et plutôt au nord Mycelis muralis, Fissidens taxifolius. Les si l’altitude est faible. précipitations, comprises entre 1 400 et 1 600 mm/an, et réparties régulièrement, Les substrats sont drainants : banc cal- fournissent l’humidité nécessaire à la crois- caire concassé ou éboulis. Les sols sont le sance du hêtre. La moyenne annuelle des plus souvent du type humo-calcaire collu- températures oscille entre 7 et 8 °C (Sim- vial (Calcosol humique caillouteux sur meray, 1976). éboulis, selon le Référentiel pédologique) ou humocalcique; ils renferment peu de Le sol brun calcique est décarbonaté terre fine entre les éléments du squelette sur la majeure partie de son profil. L’hori- calcaire, ce qui les distingue des sols de la zon A de 15 cm, est limoneux-argileux et , 1
- contient 15% de cailloux calcaires, son pH traie à dentaire quelques relevés localisés est 6,6; l’horizon (B), de 15 cm, est plus ar- sur des moraines au pied du Jura suisse. Ces sites montrent une flore plus acidi- gileux et plus caillouteux (45% en poids). La base du profil est un horizon de 10 cm cline : Galeopsis tetrahit, Galium rotundifo- en farine calcaire argileuse. La réserve en lium, Milium effusum, Maianthemum bifo- eau estimée est meilleure que celle des résidus lium. Les granitiques ou sols humifères : 75 mm d’eau utile. des moraines d’origine alpine gneissiques permettent l’existence de sols bruns acides L’analyse factorielle des correspon- (Brunisol désaturé sur moraines acides). dance a regroupé avec les relevés de hê-
- La végétation qui recouvre ce type de sol zules (Luzulo-Fagetum Meus, 1937), qui est à rapprocher de la hêtraie à millet étalé distingue des hêtraies calcicoles par Lu- se zula luzuloides, Luzula nivea, Veronica of- ou Milio-Fagetum Frehner, 1963. Elle peut ficinalis et Galium rotundifolium (Richard et se rencontrer sur des placages de limons Favarger, 1960). Leur faible nombre ne recouvrant le substrat calcaire, limons à nous a pas permis d’individualiser ce l’origine de sols bruns lessivés (Rameau, 1988). De même, quelques relevés effec- groupe. tués sur des moraines alpines présentent Le sol brun acide est épais (75 à plus des ressemblances la hêtraie à lu- de 110 cm), acide (pH eau A 4,8) car il 1 : avec
- est constitué par un horizon (B) de 70 cm acidiphiles peut se comprendre en consi- issu de dépôts morainiques acides de dérant la réserve en eau assez semblable faible taille granulométrique : 45% de de ces sols, proche de 75 à 100 mm. sables et 37% de limons dans la terre fine. Cette composition lui confère bonne une Hêtraie à adénostyle réserve en eau, environ 100 d’eau mm utile. Quelques relevés, très proches floristique- Nous paragraphe Axe 2 de ment de la hêtraie à tilleul, ont pu être rat- avons vu au l’Interprétation de l’analyse factorielle des tachés à la hêtraie à adénostyle. L’Adenos- correspondances que l’axe 2 a été inter- tylo-Fagetum Moor 1971, s’individualise prété comme un gradient de bilan hydri- grâce à quelques espèces neutrocalci- coles ou ne craignant pas les variations que croissant allant globalement de pair avec un gradient de pH décroissant. Dans d’humidité du sol : Adenostyles alpina, Carex flacca, Centaurea montana, Hyperi- le détail, ce parallélisme n’est pas toujours vérifié : les sols bruns calciques, peu acidi- hirsutum, Lathyrus Stachys cum vernus, officinalis... Le peuplement est habituelle- fés, côtoient les sols bruns acides au ment dominé par le hêtre associé à l’érable centre du nuage de points projeté sur le plan 1 x 2 de l’AFC. Cependant ce regrou- sycomore. Le sapin et l’épicéa peuvent do- miner aux altitudes moyennes et supé- pement de sites calcicoles des sites avec
- rieures, la hêtraie à ments très sains; la défoliation moyenne qui indique que ce forêt pionnière. est de 15% et le jaunissement est très peu n’est pas adénostyle une Cette association se rencontre entre 900 fréquent. Les plantations réalisées sur la et 1 100 m, sur des éboulis grossiers, des bordure ouest de massif appartiennent à bancs calcaires concassés, en position ces groupements, de même que les plus sommitale ou de mi-pente, sur des pentes belles forêts du massif : forêt de Levier, 8-27°. Elle constitue un groupement vica- forêt de La Joux. La hêtraie-sapinière alti- riant altitudinal de la hêtraie à tilleul (Moor, cole est plus défoliée (19%) et plus jaunis- sante que la moyenne des peuplements. 1971). Les sols humifères sont le plus souvent Hêtraie-sapinière mésophile du type humo-calcique colluvial (Calcisol humique caillouteux sur éboulis). L’horizon Toutes ses espèces les plus caractéristi- A de 20 cm est constitué de 75% de 1 ques appartiennent préférentiellement à cailloux calcaires de 2-20 cm, la terre fine l’étage montagnard inférieur; elle partage est très organique : 20-30% de matière or- la hêtraie à laîches neutro- dernier ce avec ganique; l’horizon brun A de 30 cm C 1 des milieux développant dans phile en se contient 90% de cailloux calcaires de nettement moins secs et moins calcaires, moins de 10 cm de diamètre. La terre fine entre 710 et 880 m. C’est pourquoi les es- de l’horizon A totalement décarbonatée, , 1 pèces calcicoles, peu représentées, lais- est constituée d’un complexe argilo- sent la place aux espèces neutroclines à humique à forte capacité d’échange catio- acidiclines : Arum maculatum, Athyrium nique pouvant fixer plus de 70 meq de cal- filix-femina, Carex sylvatica, Circaea lute- cium pour 100 g de terre, ce qui est le tiana, Dryopteris dilatata, Glechoma hede- maximum pour les sols échantillonés. Par racea, Veronica montana. Cette forme de contre, en raison de leur granulométrie, hêtraie-sapinière se rencontre surtout sur ces sols ont la plus faible réserve en eau plateaux en bancs calcaires diaclasés des potentielle : 60 mm. Ce groupement se parfois sur des éboulis sur pente faible et rencontre également sur des sols humo- (4-19°). Les précipitations sont de 1 300- calcaires. à altitudes. 1 500 mm ces Les sols sont des sols bruns de laizines (dans les fentes des lapiaz), bruns limo- Hêtraie-sapinière et surtout bruns à pellicule calcaire neux (Brunisol saturé, argilo-limoneux, mésosa- L’Abieti-Fagetum Oberd 1938 em 1957 est turé en surface). Ce type de sol est consti- représenté dans notre échantillon par 53% des relevés. Elle est caractérisée par Fes- tué d’un horizon A de 15 cm non calcaire, 1 tuca altissima et Hordelymus europaeus. limono-argileux sans cailloux, à pH 5,6 et La CAH la subdivise en 2 groupes bien d’un horizon (B) de 25 cm argilo-limoneux distincts : d’une part, les stations d’altitude qui contient 45% de cailloux calcaires dé- moyenne, qui rassemblent les sous- composés par l’eau sur leur surface en une pellicule calcaire d’altération. Malgré associations «mésophile» et «hygrocline»; d’autre part un ensemble de stations sur flux calcaire, le sol n’est pas saturé en ce des substrats plus drainants qui consti- calcium échangeable : 27 meq pour 100 g. tuent la sous-association d’altitude ou La réserve en eau totale est assez bonne : Les «alticole». 90 mm. Cette sapinière est la plus riche en 2 premières sous- associations sont constituées de peuple- sapins de tous les groupes; elle est exclu-
- sivement traitée en futaie régulière sous horizon (B) de 40 à 80 cm argileux, un laquelle la végétation est moins abondante cailloux. Ces sols profonds, situés sans que sous les autres sapinières. des stations de bas-de-pente ou des sur ont une réserve en eau esti- dépressions, Hêtraie-sapinière hygrocline mée de l’ordre de 110 mm. Elle occupe les stations sur lesquelles le Hêtraie-sapinière alticole bilan hydrique est le plus favorable. La Entre 900 et 1 100 m, la hêtraie-sapinière flore caractéristique comporte des es- s’enrichit en espèces de l’étage monta- pèces neutroclines, neutronitrophiles et gnard supérieur et en espèces acidiclines : surtout des espèces mésophiles ou hygro- Asplenium viride, Dicranum scoparium, clines : Anemone nemorosa, Atrichum un- Festuca altissima, Hylocomium splendens, dulatum, Cardamine pratensis, C flexuosa, Moehringia muscosa, Orthilia secunda, Carex remota, C pendula, Circaea inter- Rhytidiadelphus triqueter, R loreus, Ribes media, Impatiens noli-tangere, Lysimachia alpinum, Rosa pendulina, Rubus saxatilis, Plagiomnium affine, nemorum, Vaccinium myrtillus. Ce groupement se lo- P punctatum, P undulatum, Plagiochila as- calise sur les substrats perméables : Cette plenioides. hêtraie-sapinière est bancs calcaires diaclasés ou concassés, étendue entre 790 et 1 030 m, des sur éboulis fins ou grossiers, sur des pentes substrats assez imperméables : des de 0 à 22°. Les précipitations s’élèvent à marnes, des bancs calcaires compacts ou 1 600-1 900 mm et la température diaclasés situés au fond de vastes dépres- moyenne est 6-7 °C. sions, sur des plateaux, en position de bas de pente ou sur pente faible (3-14°). Deux variantes se distinguent en fonction du type de sol : la majorité des sols sont hu- types de sols qui lui sont associés Les mifères (variante à sols humifères), particu- sont des sols bruns à pellicule calcaire ou lièrement humo-calciques sur banc concas- des sols bruns eutrophes, les plus fré- sé (Calcisol humique, caillouteux, argileux, quents étant les sols bruns limoneux (Bru- sur calcaire concassé); on peut également nisol saturé, limoneux, pachique, mésosa- rencontrer des sols bruns à pellicule calcaire turé en surface) et les sols bruns lessivés ou bruns de laizines (variante à sols bruns argileux (Brunisol désaturé, luvique, argi- eutrophes superficiels). Les sols humo- leux). calciques sur banc concassé sont constitués Les sols bruns limoneux formés à partir d’un horizon LA de 5 cm, organique, fi- 0 de limons éoliens post-glaciaires (Pochon, breux, brun-rougeâtre qui comporte 90% de 1978) sont les plus épais de tous, plus de cailloux calcaires anguleux; l’horizon A de 1 80-110 cm, et ne contiennent pas de cal- 20 cm gris très foncé est également riche en caire. Ils sont constitués d’un horizon A 1 cailloux de faibles dimensions, la terre fine de 15 cm à pH 5 et d’un horizon (B) com- est très organique (25-40% de matière or- portant 60% de limons et 30% d’argile. ganique), son pH est de 7,5; l’horizon A C 1 Ces caractéristiques leur confèrent la de 20 cm est un peu plus clair, plus argileux meilleure réserve en eau : 190 mm. que son homologue du type «colluvial» mais Les sols bruns argileux comportent un également décarbonaté et riche en calcium horizon A limoneux brun foncé de 8 cm (60-70 meq). Ce type de sol, rencontré sur 1 avec peu de matière organique (5,6%, pH des bancs calcaires purs, durs et très fine- 4,5), un horizon A de 20 cm brun-jaunâtre ment concassés, présente une mauvaise ré- 2 limono-argileux à pH 5,2 sans calcaire et serve en eau : 60 mm.
- L’étage montagnard supérieur est le do- Valeriana montana, Veronica urticifolia. maine de 2 associations dans lesquelles le Les sapins de cette unité ont montré les sapin laisse progressivement la place à plus fortes défoliations (22,6% en l’épicéa : la hêtraie à érable et la pessière moyenne) et le jaunissement est juste un à doradille. Les précipitations totales va- peu inférieur à celui des hêtraies à laîches. rient entre 1 800 et 2 600, et la tempéra- ture moyenne est inférieure à 5 °C. Hêtraie à érable mésotrophe Sur les substrats moins drainants couverts Hêtraie à érable par des sols habituellement plus désatu- rés : bruns à pellicule calcaire, bruns calci- Cette association dominée par le hêtre et ques ou bruns de laizines. Les espèces l’érable sycomore se rencontre entre 1 100 sont neutrophiles à acidiclines et certaines et 1 300 m, en situations froides. Les es- d’entre elles indiquent un bilan hydrique pèces à tempérament montagnard carac- plus favorable que pour l’autre sous- térisent ce groupement de l’Aceri-Fagetum association : Athyrium filix-femina, Carex Bartsch 1940 : Festuca altissima, Moehrin- sylvatica, Fissidens taxifolius, Geum urba- gia muscosa, Polystichum aculeatum, Ra- Plagiomnium Lysimachia nemorum, num, nunculus aconitifolius, R lanuginosus, undulatum, Paris quadrifolia, Plagiochila Rosa pendulina, Rubus saxatilis, Saxifraga asplenioides, Primula elatior, Ranunculus rotundifolia, Valeriana montana, Veronica lanuginosus. Quelques plantes de méga- urticifolia. Deux sous-associations se dis- phorbiaies, telles que Cicerbita alpina ou tinguent selon le caractère plus ou moins les renoncules peuvent s’y développer considérablement. mésotrophe de la flore, en relation avec le type de sol. Pessière à doradille Hêtraie à érable neutrophile Cette association de l’Asplenio-Piceetum Sur les substrats drainants (bancs concas- Kuoch 1954, se rencontre sur les plateaux sés, éboulis) à sols humifères sur pentes de haute altitude (1 150 à 1 310 m) for- assez fortes (5-32°). Les espèces différen- mant des lapiaz : bancs calcaires décou- tielles calcicoles, neutrocalcicoles ou neu- pés en gros blocs. L’épicéa est davantage troclines peuvent s’accommoder de sols présent qu’au sein des autres groupe- assez secs : Corylus avellana, Festuca al- ments, ainsi que Asplenium viride (petite tissima, Lonicera alpigena, Moehringia fougère : la doradille). Les espèces acidi- muscosa, Sorbus aria, Valeriana montana, clines ou acidiphiles différencient la sta- Veronica urticifolia. Cette sous-association tion : Anthoxanthum odoratum, Dicranum se rencontre sur des sols assez sem- scoparium, Maianthemum bifolium, Melam- blables à ceux de la hêtraie-sapinière alti- pyrum sylvaticum, Polypodium vulgare, cole mais, en plus de certaines différences Polytrichum formosum, Rhytidiadelphus lo- floristiques, elle se localise sur des pentes reus, Vaccinium myrtillus. plus prononcées et à des altitudes supé- rieures (200 m plus haut en moyenne). Ce milieu constitue une mosaïque de Cette dernière caractéristique est reflétée sols : sol lithocalcique humifère de quel- dans la flore par un enrichissement en es- ques cm sur les blocs et sol brun de lai- pèces montagnardes : Acer pseudoplata- zines (Organosol Folist mésosaturé) dans les fentes (laizines). Le sol brun de laizines nus, Adenostyles alpina, Lonicera alpige- est constitué d’un humus de type mor sur na, Saxifraga rotundifolia, Senecio fuschii,
- horizon A de 8 cm brun foncé, riche 11 abies, Fagus sylvatica, Acer pseudoplata- un racines fines, myceliums et en matière nus, Sorbus aucuparia sont davantage en organique (20%), à pH 5; l’horizon A de présents aux altitudes élevées. 12 15 cm est un peu plus compact et contient Les conditions stationnelles et sylvi- également 75% de blocs calcaires. L’hori- coles modulent ces tendances générales zon (B) brun jaunâtre de 25 cm est plus ar- favorisent localement certaines es- et gileux et renferme plus de cailloux cal- Le sapin forme des peuplements pèces. caires empilés entre lesquels descendent presque purs au sein des hêtraie- les grosses racines jusqu’à 50 cm. La ré- sapinières mésophiles hygrophiles et et serve en eau est estimée à 75 mm. Le des hêtraies à dentaire; ces groupes ca- soutirage karstique intense, dû à des pré- ractérisent les milieux les plus mésophiles cipitations supérieures à 2 000 mm, ap- et les altitudes moyennes (750-950 m). Le pauvrit le complexe absorbant en calcium. remplacement du sapin par l’épicéa quand En raison du faible effectif, les 2 variantes l’altitude augmente est net dans la série oligotrophe et mésotrophe qui peuvent hêtraie-sapinière alticole, hêtraie à érable, être distinguées selon l’épaisseur de sol, pessière à doradille. Au sein de l’échan- ont été regroupées. tillon, la régénération du sapin est plus abondante dans les groupes formés de peuplements clairs dans lesquels les sa- Composition de la strate arborescente pins dominants sont en contact avec leurs voisins sur moins de 30% de la circonfé- rence du houppier; c’est le cas de la hê- Tous groupements végétaux confondus, traie à laîches et de la pessière à doradille. l’épicéa et le hêtre se rencontrent dans la L’enrichissement en sapin de groupements strate arborescente de 75% des peuple- qui lui sont peu favorables créé des sylvo- ments échantillonnés. L’érable sycomore faciès au sein desquels les sapins mon- est présent sur 24% des sites. Les autres trent des jaunissements importants; c’est espèces arborescentes sont nettement le cas en hêtraie à laîches et hêtraie à plus rares dans l’étage dominant : le frêne érable neutrophile. (fréquence : 11 %), le sorbier des oiseleurs (5,3%), l’alisier blanc (2,4%), le chêne ses- Le caractère xérotolérant du hêtre expli- sile, le tilleul à grandes feuilles, l’érable que sa plus grande abondance sur les sta- plane (moins de 2%)... tions sèches, particulièrement en hêtraie à tilleul et sa rareté en hêtraie-sapinière hy- En raison de l’autoécologie des es- grophile. L’érable sycomore se rencontre et des interventions sylvicoles, la sences essentiellement en hêtraie à érable et hê- proportion de feuillus dans les peuple- traie à dentaire. On peut parfois trouver le ments de sapins change avec l’altitude; frêne en hêtraie à laîches et hêtraie à tilleul. elle est maximale en dessous de 800 m et au-dessus de 1 100 m. Le caractère plus ou moins montagnard des espèces arbo- Phytogéographie rescentes, et sa prise en compte par des gestionnaires forestiers, conditionnent la composition des peuplements au long du L’interprétation du troisième axe de l’AFC a gradient d’altitude : Abies alba, Fraxinus fait appel à la distribution des espèces au excelsior, Quercus petraea, Carpinus be- sein du massif jurassien, ce qui implique tulus, Acer campestre, A platanoides se que la composition des groupements végé- raréfient ou disparaissent tandis que Picea taux dépend de leur position géographi-
- que. Cette influence s’explique par la ré- climatiques se rencontrent dans la climax partition hétérogène des conditions station- partie élevée du massif : la hêtraie- nelles en raison de la géomorphologie de d’altitude à l’étage montagnard sapinière la chaîne plissée calcaire. En effet, le relief disjointe des autres hêtraie- moyen, sapinières, et la hêtraie à érable à l’étage du Jura est nettement dissymétrique : du côté français, une succession de plateaux montagnard supérieur. Les plateaux boi- entre 600 et 900 m d’altitude permet d’at- sés des sommets de la Haute-Chaîne sont teindre progressivement la Haute-Chaîne recouverts par la pessière à doradille; (1 400-1 700 m), tandis que le rebord cette association constitue un climax sta- tionnel sur certains sites à plus faibles alti- oriental s’abaisse brutalement sur la plaine suisse (500 m). La moitié nord du massif tude. Elle est principalement localisée sur une petite partie du Jura : massif du Ri- est essentiellement constituée par les pla- teaux, ceux-ci se réduisent vers le sud soux, Mont Tendre et Chasseron. pour laisser la place aux grands plis de la Haute-Chaîne. Cette double dissymétrie conditionne globalement la répartition des DISCUSSION types de sols, des mésoclimats, des es- pèces végétales et, ainsi explique la sépa- ration géographique de certains groupe- Les unités stationnelles sont des «ensembles flous» floristiques (fig 1). ments La partie septentrionale peut être divi- l’échantillonnage utilisé sée en 2 zones parallèlement à son axe. Bien que pour cette étude n’ait pas été réalisé dans une La hêtraie-sapinière (climax climatique) optique purement typologique, les princi- constitue de belles forêts sur les grands paux groupes floristiques comportant des plateaux recouverts de limons de la moitié ouest; localement, selon le type de sol, on sapins en quantité assez importante ont pu être identifiés. Le choix du site de relevés trouve la sous-association mésophile ou la a été effectué sans tenir compte du type sous-association hygrophile. La hêtraie à de station auquel il serait rattaché après dentaire la hêtraie à tilleul ou se rencon- trent sur le côté est, formé de plateaux cal- analyse. Cette démarche a eu l’avantage de recueillir une image du milieu proche de caires. Les pentes fortes et les sols humi- la réalité de terrain, ce qui a permis de re- fères carbonatés sont favorables à la hêtraie à tilleul; la hêtraie à dentaire se dé- trouver le continuum écologique au sein des données floristiques et écologiques. sur les sols bruns calciques des veloppe faibles. La hêtraie à adénostyle se Par contre, les limites entre les groupes de pentes localise au sein de l’aire couverte par la relevés n’apparaissent pas toujours très hêtraie à dentaire, sur les stations froides nettement lors des analyses. La typologie en altitude, à forte pente. réalisée a donc été évaluée grâce à une méthode de classification par ensembles Dans la moitié sud, la hêtraie à Carex flous. alba forme des taches sur le bord sud- Avant l’analyse, les relevés ont été dis- ouest du massif sur les stations xérocalca- ricoles, où elle constitue un climax station- tribués dans les 11 groupes décrits plus nel. Deux de nos sites représentent ce haut; après analyse, chaque groupe contient encore des relevés lui apparte- groupe sur le versant genevois, où il cons- titue un climax climatique grâce à l’effet de ce qui confirme la préférentiellement, nant existence. Les groupes les foehn du massif (Gillet et al, 1984). Deux validité de son
- plus solides ont conservé tous leurs rele- Comparaisons vés : hêtraie à laîche, hêtraie à tilleul, hê- les études antérieures avec traie à érable mésotrophe et pessière à doradille. Par contre, certains relevés ont Les relevés choisis pour supplémentaires été réattribués à un autre groupe issu de les divers groupements se représenter la classification hiérarchique; ces sites sont presque tous positionnés dans la par- «hybrides» ont donc une composition flo- tie du plan correspondant aux milieux rela- ristique intermédiaire entre 2 types de sta- tivement secs et plutôt en altitude. Globa- tions. La quantité de relevés hybrides lement, l’ordre des groupes floristiques a entre 2 groupes donne une indication sur été conservé au long des gradients d’alti- leur degré de ressemblance écologique. tude et d’humidité du sol. Par exemple, les Généralement, 2 unités stationnelles avec 3 sous-associations de hêtraie-sapinière de nombreux relevés hybrides sont géo- (melicetosum, typicum et adenostyleto- graphiquement voisines : une partie des sum) décrites par Simmeray (1976) ont été relevés sont intermédiaires entre la hê- bien classés des plus basses altitudes traie-sapinière mésophile et la hêtraie- vers les plus hautes, mais leur position les sapinière hygrophile, certains relevés de la place au sein de nos hêtraie-sapinières al- hêtraie-sapinière alticole sont redistribués ticoles ou hêtraies à érable. En fait, cette dans la hêtraie à laîches neutrophile ou étude avait concerné la région de Saint- dans la hêtraie à érable, qui la jouxtent à Claude et les relevés sont en majorité si- l’est et à l’ouest. tués entre 1 000 m et 1 300 m, ce qui ex- Les relevés les plus typiques d’un plique l’absence des hêtraie-sapinière hy- groupe lui appartiennent presque exclusi- hêtraie-sapinière mésophile. grophile et vement; sur le plan des 2 premiers axes Cela laisse également penser que notre de l’AFC, ils forment un noyau concentré hêtraie-sapinière alticole pourrait se subdi- dans la partie de l’aire de variabilité écolo- viser en une variante à sols humifères gique qui exprime le mieux le facteur res- (Abieti-Fagetum melicetosum selon Sim- ponsable de l’individualisation du groupe. meray) et une variante à sols bruns (Abie- Par exemple, la hêtraie-sapinière hygro- ti-Fagetum typicum). La projection des re- phile qui recouvre une large gamme d’alti- levés de hêtraie à laîches, de hêtraie à tudes (640-1 180 m) et d’humidité du sol, dentaire, de hêtraie à érable et de pessière est plus caractéristique entre 750 et 970 à doradille de Richard (1961) ou de Gillet m, sur les sols les plus humides (bruns li- et al (1984) corrobore notre analyse de la moneux ou bruns lessivés argileux). La végétation. mise en évidence des individus d’associa- La classification ascendante hiérarchi- tions les plus caractéristiques permet de que a individualisé un groupe de 4 relevés les utiliser pour affiner la description de qui ont été regroupés avec la hêtraie- l’ensemble floristique, du type de sol asso- sapinière hygrophile en raison du faible ef- cié, de la fertilité des peuplements. fectif et des affinités floristiques. Ces sites La grande variabilité stationnelle des ont une flore acidiphile qui se développe hêtraies à dentaire ou des hêtraie- sur des sols bruns lessivés limoneux ou ar- sapinières laisse penser que, avec un gileux; ces peuplements peuvent être rat- échantillon plus important, certaines unités tachés à la sapinière à prêles (Equiseto- stationnelles pourraient être subdivisées développe Abietetum, Moor, 1952) qui se jusqu’à définir de véritables «types de sta- les stations les plus humides : fond de sur tions forestières» plus homogènes (Del- doline, de vallon, dépressions. La projec- pech et al, 1985).
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